BAISER: joli mot, je trouve, qui contentera aussi bien le gourmet que le gourmand, l'amoureux romantique que le jouisseur invétéré, le timide que le plus effronté, selon qu'il sera verbe ou substantif.
C'est encore le latin qui nous donna ce mot, depuis son verbe basiare et son nom basiario (ou, plus joli: basiolum, petit baiser). Depuis il a fait son chemin, y perdant en route un peu de sa pureté initiale pour aller naviguer plus, bas, vers d'autres lèvres ou d'autres orifices.
Au début, on baisait avec la tête, en déposant sur les lèvres de l'autre une tendre caresse au moyen des siennes propres. C'est bien dans ce sens là que l'entendent de nombreux écrivains de chez nous. Rappelez-vous les fous-rires très vite réprimés par la face sévère de l'enseignant lorsque l'un de vos camarades récitait sur l'estrade: " Poète, prends ton luth et me donne un baiser" (Musset, La Nuit de Mai), alexandrin que je n'ai jamais pu entendre sans y chercher de suite la possible contrepèterie. Pire encore avec Molière et son benêt de Thomas Diafoirus qui demande à son père: "Baiserai-je, papa?" (Le Malade imaginaire). Parti comme il est, on peut en douter!
Il y a tant de baisers possibles, du baiser papillon, fait délicatement avec les cils, au baiser esquimau où l'on se frotte le bout du nez. A l'église, on se donne le baiser de la paix, avec plus ou moins de sincérité il est vrai. On peut aussi songer aux Baisers volés d'Antoine Doinel et adresser en passant un signe à Truffaut, par delà les nuages. D'autres, il faudra se méfier comme le baiser de la mort de la mafia, annonce d'une mort imminente, ou le baiser de Judas que vous donnera le faux-frère avant de vous enfoncer jusqu'à la garde le poignard dans le dos. Il y a aussi le FPMB du courrier de mon adolescence où l'on cachetait l'enveloppe destinée à l'être aimé par ces initiales du tendre message: fermée par mille baisers. Je ne me souviens pas d'avoir une seule fois sacrifié à ce rituel.
J'apprends qu'en afrikaans, baiser se dit kus (non, ce n'est pas un pluriel!) et qu'en langage soutenu l'on peut, en français, employer osculation, terme réservé d'habitude au domaine de la géométrie. Mais qu'ils sont laids, ces mots! Je leur préfère de loin celui du langage Kranzlero-Calystien (ou Calysto-Kranzlerien, comme on veut), qui n'appartient qu'aux deux sus-nommés: le tatanka, celui du soir ou celui du matin, celui que l'on met de côté pour son goûter, celui que l'on commence et puis que l'on replie dans le papier pour le finir plus tard, pour faire durer le plaisir. Oui, d'accord, vous pouvez me répliquer que: "Poète, prends ton luth et me donne un tatanka", c'est moins harmonieux, ça dépasse (de l'alexandrin). Et alors? Un vers de treize pieds, ça existe: douze pour l'alexandrin, et le treizième pour mettre au cul de ceux qui se moquent! Compris!
Une petite ligne pour notre gloire national, le French Kiss (baiser français), si recherché à l'étranger! Pourtant, à lire les statistiques concernant l'achat de brosses à dent annuellement par nous, fiers gaulois, on peut vraiment se demander pourquoi un tel succès.
Mais bien sûr il faut bien en arriver à ce que vous attendez tous: l'autre sens, celui où la tête n'a plus rien à voir. Auparavant, pour réduire un peu le fossé (pour moi purement apparent) entre les deux acceptions, je ne résiste pas à faire un copier-coller à partir de wikipedia, pour vous donner quelques renseignements supplémentaires, éventuellement utiles en cette période de pandémie:
Deux individus s'embrassant échangent en moyenne 40 000 parasites, 250 types de bactéries, 9 mg d'eau, 0,7 g d'albumine, 0,45 mg de sel, 0,711 mg de graisses, 0,18 g de matières organiques et dépensent quatre calories par minute. La fréquence cardiaque peut doubler.
Un baiser sur la joue exige l'activation de 12 muscles faciaux alors que le baiser amoureux en sollicite 34.
Ca y est? Vous voilà calmés! On peut reprendre tranquillement?
Il semble que ce soit au XVIII° siècle, grâce au divin Marquis, que le sens moderne de baiser soit peu à peu apparu. Depuis, adieu la tête, bonjour les jambes (allusion légère à un jeu télévisé de mon enfance. mais les moins de ....ante ans ne peuvent pas connaître!). Ainsi baiser veut sans doute d'abord dire copuler mais, par un glissement certain et parfois mal contrôlé, enculer ou tromper quelqu'un volontairement. Dans cette zone-là, si je puis dire, les expressions ne manquent pas: baiser la gueule, baiser jusqu'au trognon, baiser jusqu'à l'os, à couilles rabattues, comme un dieu, comme un lapin, se faire baiser, et tant d'autres. Mais je vous fais confiance pour compléter, comme d'habitude.
N'oublions pas non plus les dérivés les plus célèbres: le baisemain, très chabada prout prout, le baisodrome si évocateur et mon préféré: le baise-en-ville, celui que l'on emporte quand on n'a pas l'intention de coucher chez soi ni, le plus souvent, seul.
Tiens, coucher! Il se fait tard. A bientôt, amis de la langue française. J'ai bien envie de vous embrasser mais serait-il bien séant, après ce que je viens d'écrire, que je vous baisasse?
PS: un petit dernier, tout mignon, tout chaud pour la nuit. Savez-vous ce qu'est une "baisure"? Non? Moi non plus jusqu'à il y a deux minutes. Il s'agit du côté de deux pains par lequel ils se touchent dans le four du boulanger.
vendredi 9 octobre 2009
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10 commentaires:
Le baise-couillon : le parfum dont on s'asperge à outrance quand on a "oublié" de se laver.
Baisure, tu vas aimer : c'est également la jonction de deux branches d'arbre qui, à force de proximité et de friction, deviennemt inséparables et indissociables. Comme tes petits pains, mais en plus durable.
- NON, Lancelot, on ne fait pas le trublion.
Et comment pouvais-je oublier ? Baiser, en allemand, c'est la meringue. Une tarte meringuée se dit Baisertorte, un mot que je ne prononce guère car on ne me voit pas souvent ici dans les salons de thé. (Pas de commentaire, preux Lancelot)
C'est vrai qu'il y a à Berlin du franCais qui résonne de temps en temps à cause de ce vieux con de Louis XIV qui a foutu les protestants dehors: par exemple le pont Monbijou, où je vais donner à bouffer aux mouettes. Pas bien loin, il y a un obscur "Puff", c'est à dire un claque outrageusement bas de gamme. Et, deux pas après, de claque il y en a un autre, mais beaucoup plus raffiné. En allemand, un claque haut de gamme s'appelle "Bordel", ce qui fait toute la différence. On ne sort pas d'un Bordel comme on sort d'un vulgaire "Puff", ce n'est pas la mEme attitude. Profusion de Tatankas meringués pour mon Calystee, donc.
Mon adorable grand-mère paternelle dont le fin sourire en coin démentait la prétendue sainteté disait de temps en temps "Baiser n'est pas jouer". Qu'entendait-elle par là, la coquine ? Mystère...
Je déteste ce mot déraisonnablement. Je ne l'emploie jamais et mes oreilles crissent quand je l'entends. Je sens que Lancelot va encore me traiter de duègne. :-)
Dame K: mon amie kicou employait beaucoup le terme de "trompe-couillon", mais elle pour désigner plutôt le maquillage que met une femme pour faire illusion.
Kranzler: "puff" sans umlaut, ça se prononce "pouffe", non? CQFD!
Tatankas appréciés, meringués ou pas!
Christophe: sais-tu que j'ai relu trois fois mon billet, à la recherche de la phrase où j'avais pu employer ce mot de "déraisonnablement". et puis, j'ai compris. un peu mou, le neurone, ce matin!
Mais pour en revenir au terme en question, je trouve que "faire l'amour" ne veut pas dire la même chose: je réserve cette dernière expression pour des relations où entre en considération une part de sentiment.
Peut-être, K., que lorsqu'on en arrive au baiser, il ne peut plus s'agir d'un jeu. Mais ce sens n'irait pas avec le "fin sourire"!
Un des moments les plus amusants de mes années à l'université, c'était une présentation orale donnée par un autre étudiant dans une classe de littérature française aux États-Unis. Il parlait de la pièce de théâtre de Paul Claudel L'Annonce faite à Marie, dans laquelle il s'agit d'un baiser donné par un personnage à un autre. Cet étudiant a décidé d'employer le verbe « baiser », et il a continué à parler de Personnage X qui a baisé Personnage Y! Tout le monde faisait de son mieux pour ne pas rire, et le pauvre étudiant n'a pas compris pourquoi nous avons trouvé son exposé tellement amusant. (Mais le vieux professeur du cours, qui était assez stricte dans ses moments les plus légers, avait beaucoup de commentaires à en faire plus tard!)
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