samedi 10 octobre 2009

Pour tout l'or du monde

Ce matin, du gris partout en ouvrant les volets. Tant mieux: j'avais envie de ça. Il fait soleil depuis si longtemps. J'ai eu l'impression de redécouvrir le mauvais temps, les perspectives maussades et humides, l'obscurité des pièces où l'on est obligé d'éclairer en plein jour.

Cette grisaille me donne immanquablement l'envie de faire du ménage, de jeter, de ranger, de nettoyer. Aujourd'hui, ça tombait bien: mon appartement était en passe de devenir une porcherie, sauf que les cochons, eux, n'ont pas trois chemises et autant de slips qui traînent sur les fauteuils. J'en ai profité pour récurer à fond les bacs de l'évier, pour nettoyer le dessus du frigo, traditionnellement réservé aux boutures de mes plantes. Je suis allé jusqu'à dévisser le filtre de la machine à laver. Je ne sais pas quelle était l'odeur la pire: celle des déchets récupérés là ou l'odeur de l'eau des fleurs, des dahlias, pas changée depuis quelques jours.

A un moment, j'ai levé le nez: le soleil semblait vouloir percer et déjà le gris se fendillait de quelques oripeaux bleus. Il fallait que je me hâte: la fringale de l'extérieur n'allait pas tarder à me reprendre.

En fait, ce besoin de ménage intensif correspond souvent chez moi à une baisse de tonus, à une volonté amoindrie de voir le positif, bref, à quelques petits passages nuageux dans la tête de Calystee. Rien de grave car, cette fois-ci, je sais parfaitement à quoi cela tient. Il y a deux ou trois jours, le fils de Kicou m'a téléphoné pour me rappeler que j'avais promis de passer voir sa petite famille un soir en sortant de la clinique de ma mère qui, par hasard, se trouve à deux pas de chez lui. Ce coup de fil est tombé au moment précis où le manque de Kicou se faisait davantage sentir. Dans notre relation, nous avions des moments où nous ne nous voyions pas, jamais très longtemps, et les vacances d'été étaient un de ces moments, le plus long à coup sûr.

Mais à chaque automne, l'un ou l'autre appelait et je passais souvent un week-end à Chavanay, à la campagne, à jouer aux dames chinoises avec elle tout en nous racontant notre été. Nous allions nous coucher fort tard et le matin, je la retrouvais dans la grande cuisine où elle avait déjà posé sur la table le beurrier pour que le beurre soit plus tendre et deux ou trois pots de confitures, de ses confitures dont j'emportais toujours quelques échantillons le dimanche soir à Lyon. Je couchais dans la chambre bleue, toujours, c'était un peu la mienne, celle qui donne sur le jardin, les collines et le Rhône, celle où le vieux lit en bois ciré semblait fait à ma mesure.

Cet automne, Kicou n'est pas là et j'ai un peu de mal à imaginer la splendeur des vignes qui entoure sa maison et la brume qui, peu à peu, se lève du fleuve en bas, dans la vallée, sans elle, sans nous, bras dessus bras dessous comme deux complices, comme deux vrais amis de si vieux. Il faut que je me dise que tout cela est fini, qu'elle ne fera plus de projet, qu'elle ne m'indiquera plus les plus belles couleurs pour prendre la photo, que je ne l'entendrai plus rire, qu'elle ne me touchera plus le bras en faisant tout en parlant une tresse de mes poils, ce qui m'a toujours agacé. Ou plutôt il ne faut plus que je me le dise et que je tourne la page, encore une page à tourner.

Alors voilà pourquoi l'or de cet automne va devoir en mettre un grand coup pour me séduire cette année. Il y parviendra, le bougre, il y parvient toujours. Il sait que c'est lui que je préfère dans les quatre saisons mais il sera nostalgique, un peu. Après tout, j'y ai bien droit.

3 commentaires:

Lancelot a dit…

De passage à l'aube (bien entamée) par chez toi.

Ni le beau ni le mauvais temps ne m'incitent au ménage, mais j'aime l'automne aussi. Alors que je l'ai boudé pendant de nombreuses années, enfant, va savoir pourquoi.

Une page qui se tourne pour toi, c'est vrai. Mais il en existe encore plein d'autres derrière, d'autres pages et même d'autres livres. Bisous.

Nicolas Bleusher a dit…

J'aime, moi aussi,l'automne et ne déteste plus le ménage depuis que je suis propriétaire. Bref : je vieillis !

Calyste a dit…

Oui, Lancelot, je l'espère. Et puis, j'aime toujours lire, à la folie!

Qu'est-ce qui fait vieillir, Nicolas: être propriétaire, aimer l'automne ou ne plus détester faire le ménage?