Je vais vous faire un aveu: quelqu'un ne m'aime pas. Quelqu'une plus exactement! Quoi! Ne pas aimer Calystee ? Lui si aimable, si tendre, si adorable, si sensuel,si.... Ouh ! Ouh ! A mort ! Aux chiottes ! Mais d'où elle sort, celle-là ? Non, c'est gentil à vous de manifester votre attachement et votre soutien, ça me touche beaucoup, d'autant que toutes ces réactions de votre part sont si naturelles et spontanées. Franchement, je suis cloué ! Mais il faut bien aussi regarder la vérité en face quand elle ne nous plaît pas: quelqu'un me déteste, et j'en ai la preuve.
Qui ? vous demandez-vous. Une femme que je vois quasi tous les jours et même plusieurs fois par jour, une femme que je croise dans les couloirs, que j'entends faire ses cours dans la salle à côté de la mienne parfois, dont la casier n'est pas très éloigné du mien. Bref, vous l'aurez compris: la seule ennemie que je me connaisse est une de mes collègues. Je pensais que son animosité à mon encontre allait se cantonner à l'observation d'une relation froide et distante mais qu'il nous serait possible de nous croiser une année entière sans nous écharper. Je n'en suis plus très sûr depuis ce soir.
Mais pour comprendre la situation actuelle, il faut sans doute résumer les épisodes précédents. Madame Allonso (bien que ce ne soit pas là son vrai nom, appelons-la ainsi en hommage aux chiennes de garde dont elle mériterait grandement de faire partie) est une femme d'une quarantaine d'années, ma fois fort agréable à regarder, toujours fort bien habillée, mince et la peau délicatement hâlée une bonne partie de l'année. Qualité supplémentaire : elle a même un timbre de voix que j'aime énormément, un timbre un peu grave et voilé d'alto qui, ordinairement me fait cérébralement grimper aux murs.
Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, alors, me rétorquerez-vous, non sans une once de bon sens. Eh bien, non ! Ce qui aurait pu être, à défaut d'un amour naissant, les prémices d'une solide amitié a vite tourné en eau de boudin. Pourquoi ? Je n'en sais rien ! Non, je ne me défausse pas, je n'en sais vraiment rien. Au début, elle me lança quelques petites piques que, par naïveté certainement et peut-être aussi par bonté d'âme, je voulus interpréter comme des tentatives d'humour un peu foirées. Vous voyez : le genre de fusée, pendant le feu d'artifice, qui fait long feu et retombe lamentablement. J'essayais bien de la suivre sur son terrain et de lui donner la réplique, parfois, mais je finis par remarquer que ces attaques, même avortées, étaient pourtant toujours assez bien ciblées et parfois ne se paraient plus du masque grimaçant du rire de bas étage. Elle me parut parfois un peu méchante, mais encore une fois, je pardonnais et mettais son agressivité sur le compte de la fatigue de notre métier ou de l'énervement causé par nos charmantes têtes blondes.
Nous passâmes ainsi plusieurs années, elle à lancer ces attaques, moi à faire l'effort de croire que son fleuret était toujours moucheté ou que je devenais décidément parfois trop susceptible. Pourtant quelques collègues, au cours de discussions sur d'autres sujets, firent parfois devant moi allusion à elle en des termes plus que réservés, voir franchement hostiles. Ainsi donc, je n'étais pas le seul à la trouver un peu trop acide: d'autres en faisaient les frais, même si je restais indéfectiblement sa cible favorite.
Il y avait bien longtemps que je m'étais fait une raison sur notre amitié ratée, sans cependant en subir de douleur particulière, lorsque les choses se gâtèrent.
Un matin de l'an dernier, alors que je me trouvais en salle des professeurs en compagnie de trois de mes collègues femmes dont elle, la discussion dérapa, je ne sais plus exactement pourquoi hélas. Je me souviens seulement qu'il y était question de galanterie. Je crois me souvenir que je disais que, bien qu'ayant toujours considéré la femme comme l'égale de l'homme (à vrai dire, c'est une question que je ne me suis jamais posée tant la chose me semble aller de soi), on m'avait élevé dans le respect d'une certaine politesse et que je considérais comme agréable que le premier qui arrive à une porte, plutôt que de passer sans se préoccuper de ce qui se passe derrière lui, tienne gentiment cette porte au suivant, homme ou femme, peu importe.
Et là, ce fut l'explosion ! Pourquoi ce jour-là ? Avait-elle eu une soirée et une nuit particulièrement désagréables (j'appris plus tard qu'elle était depuis quelque temps séparée de son compagnon) ? Il ne me semble pas, encore aujourd'hui avec le recul, avoir dit quelque chose de méchant ni de provocateur. Elle devint alors extrêmement rouge, sa voix, d'ordinaire si douce à mon oreille, monta dans des registres supérieurs et, du ton le plus méprisant qu'elle put alors trouver, elle me lança, fielleuse: "Parce que tu as un jour été élevé, toi ?".
J'avoue que la réplique me blessa plus que je ne l'aurais cru possible venant d'elle. Je ne voulus pas, d'autre part, répliquer et envenimer encore davantage la situation. Je choisis de quitter la pièce sans répondre et de m'isoler dans la pièce voisine, près de la machine à café. Quelques minutes plus tard, les deux autres collègues femmes qui avaient assisté, bouche bée, à la scène me rejoignaient et me félicitaient de mon calme et de ma sortie, se disant, quant à elles, outrées de ce qu'elles venaient d'entendre (et de, sans doute, d'autres commentaires tout aussi laudatifs qu'elles eurent la délicatesse de ne pas me rapporter).
Depuis, cette femme ne m'adressait plus la parole et cela m'arrangeait plutôt car j'avais décidé de ne plus la voir, de la néantiser, comme dit un de mes amis (et à ce jeu de l'invisibilité, je suis très fort). Pourtant, nous ne pouvions empêcher nos chemins de se croiser: le couvent est grand mais, pour les conseils de classes, nous somme assis autour de la même table. Et c'est à cette occasion qu'elle décida en fin d'année dernière de contrattaquer.
Alors que j'animais le conseil de la classe de cinquième dont je suis le professeur principal et que j'expliquais le cas d'un élève qui semblait bien meilleur dans les matières scientifiques que littéraires, elle se mit à le défendre bec et ongles, contre l'avis général des autres professeurs. Elle fit aussi des remarques désagréables sur le latin, matière que j'enseigne ainsi que le français sur ce niveau. Je lui fis alors remarquer que le latin était plutôt pour moi une matière scientifique que littéraire (en tout cas tel que je le perçois et tel que je l'enseigne) et que, si l'élève n'y excellait pas, c'était à mon avis davantage un manque de travail que de compétences. Elle n'en enfourcha que mieux le plus grand de ses chevaux et me balança à la figure que, s'il ne travaillait pas, c'était que je ne savais pas l'intéresser. Je lui demandai donc de me fixer un rendez-vous pour qu'elle m'apprenne à le faire, elle qui semblait si sûr d'elle et de son pouvoir d'attraction.
Voyant où tout cela nous emmenait, la responsable de niveau intervint et détourna la conversation. Le conseil se finit dans une atmosphère tendue et électrique. Sitôt le dernier élève passé, elle quitta précipitamment la salle : courage, fuyons. J'eus ce jour-là encore la chance de voir les deux parents déléguées de la classe venir me trouver en sortant pour me dire leur surprise devant l'hystérie de ce professeur et m'assurer une nouvelle fois de toute leur confiance dans mes méthodes et pratiques pédagogiques.
Les vacances passèrent là dessus. A la journée de pré-entrée, emporté par mon élan, alors que je faisais la bise aux collègues que je retrouvais, je la lui fis à elle aussi. J'avoue avoir un peu mouillé ma culotte de plaisir en voyant l'effarement que son visage traduisait à ce moment-là. Je me rendis compte tout de suite par la même occasion que ce baiser n'avait fait qu'aggraver mon cas. Et j'en ai eu la confirmation ce soir: au conseil où nous trouvions l'un et l'autre, elle tenta à nouveau un coup d'éclat. Mais ses réactions n'amusent plus personne si tant est qu'elles l'aient fait un jour, et sa tentative se solda par un énorme floc. Cependant, me voilà prévenu : la guerre continue, la hache n'a pas encore été enterrée. Il va falloir que je me méfie. Mais, grands dieux, que lui ai-je donc fait ?
lundi 12 octobre 2009
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7 commentaires:
J'ai envie de me fendre d'une question misogyne : que ne lui as-tu pas fait ?
On se croirait dans une comédie romantique américaine des années 50 ou 60 !
;-)
Méfie toi de ce genre de garce...J'ai eu ce problème un jour et je l'ai payé très cher.
Christophe m'a coupé l'herbe sous le pied : Et si, secrètement, elle en pinCait pour to? Sinon, si cette garce continue, tu sais bien que nous pouvons tous aller la calmer. Tu n'auras qu'un geste à faire et tous nous nous jetterons sur elle pour lui offrir un bain dans une baignoire remplie de crapauds en chaleur.
Christophe et Kranzler: si c'est ça, elle peut attendre!
Je ne doute pas de ton pouvoir de séduction, mais je ne crois pas à la théorie de 'l'amour agressif'. Pour moi c'est une folle et puis c'est tout.... Ton billet me laisse un peu 'sur ma faim' sur deux points :
1) Elle est prof de quoi ???
2) Tu l'as vagement abordé, mais sans approfondir : les autres profs ont-ils eu maille à partir avec elle aussi ? Si c'est oui, mais qu'elle s'acharne sur toi particulièrement, c'est probablement (enfin, selon moi) que tu es plus gentil, poli, que les autres, alors elle doit trouver que tu es une victime plus facile. Vole-lui dans les plumes, envoie-la chier une bonne fois pour toutes, et bien violemment. Y a rien de tel...
Vous ne lui avez rien fait et c'est peut-être bien ça son problème !! :-)
Quant à ce que dit Lancelot, je partage un peu cet avis pour l'avoir vécu avec des parents d'élèves agressifs : mordre avant d'être mordu, ça les calme !
Lancelot: 1°) Prof de techno et de mathes
2°) Oui. Mais je n'ai pas particulièrement la réputation d'être gentil. On se méfie même de mes piques qui peuvent partir sans prévenir, parfois.
Pour l'instant, Discrète, je n'ai pas à le faire: l'autre soir, elle s'est tenue tranquille. On aurait dit qu'elle avait compris que j'étais décidé à riposter!
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