Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Pierre. C'était.
Je viens seulement d'y penser. Auparavant, l'idée ne m'en a pas un seul instant effleuré l'esprit. Je n'en éprouve pas de mauvaise conscience. Cela veut dire que le deuil est admis, que je suis en règle avec mes souvenirs. Je crois pouvoir dire cela aujourd'hui. Il aura fallu quatre ans pour admettre et apprivoiser l'inadmissible.
La photo de lui en maison de convalescence dans les Pierres Dorées est toujours sur mon bureau. Elle y a sa place, définitivement je pense. Quand je la regarde parfois, je ne sens plus cette poigne de fer qui me serrait le thorax. En travaillant, je lui jette souvent un coup d'œil rapide, avec douceur, avec tendresse. J'aime la savoir là. Quelquefois un des nombreux papiers qui encombrent mon bureau la cache momentanément, et je ne trouve plus cela sacrilège. Je n'irai pas spécialement sur sa tombe aujourd'hui. Je pense à lui en ce moment. Tout à l'heure, je serai chez ma mère et je penserai à autre chose.
Il fait un temps splendide sur Lyon. Un ciel bleu sans nuages, balayé par un vent froid qui m'a fait gonflé la veste dans le dos, tout à l'heure, en traversant le Rhône. Les feuilles mortes s'accumulent contre les chaises aux terrasses d'été encore en place. Je suis rentré à pied. Les gens avaient l'air heureux.
Étrange coïncidence: je viens de commander un nouveau téléphone pour remplacer celui du hall qui est bien fatigué. Sur ce vieil appareil, il avait fallu enregistrer un message d'accueil pour le répondeur. Mais quelle voix mettre? La mienne? Celle de Pierre? Pour les amis, cela n'avait pas d'importance, mais pour les relations de travail, surtout celle de Pierre? Finalement, nous avions fait enregistrer le message par sa nièce. Une voix féminine donc, qui en surprit plus d'un parmi nos proches amis dont certains crurent ne pas avoir fait le bon numéro. Sur le nouvel appareil, cette voix va disparaître et il n'y aura plus que la mienne. Encore un petit bout de mur qui s'effrite. Mais la fresque en a été déposée. Elle est à l'abri. Vous savez où.
mercredi 14 octobre 2009
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4 commentaires:
En lisant ta note, je me dis que le message sur notre répondeur à nous a été enregistré par TiNours. Je ne veux pas le faire moi-même, je trouve ma voix horrible. Régulièrement nous avons des coupures de courant qui effacent tout, et régulièrement TiNours s'y recolle, de bonne grâce : "Bonjour, vous êtes bien chez blablabla, etc".
Qu'est-ce que je ferais si le message s'effaçait sans possibilité pour lui de le ré-enregitrer...?
Je supprime le répondeur.
Et puis le téléphone, dans la foulée.
Ce n'est pas un petit bout de mur qui s'effrite, c'est le début de la construction d'une cathédrale.
Je trouve que c'est un de vos plus joli (beau?) texte parce que de manière très simple, "concentrée" et pleine de pudeur, il dit tant de choses sur les blessures, leurs cicatrices et les beautés qui cependant nous entourent.
Pourquoi te poser des questions si cruelles, Lancelot?
Mais des cathédrales s'effritent aussi, Oceania...
Merci, Anonyme, mais qui a l'air de me lire attentivement depuis un certain temps. D'ailleurs, j'ai une petite idée, comme ça, qui me "passe" par la tête.
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