Je l'ai revue! Belle de Serbie, oui. Enfin je crois, j'en suis presque sûr.
Ce matin en ouvrant mes volets, un peu tard dans la matinée. Il faisait gris et je voulais un peu plus de lumière dans mon appartement. Je ne risquais plus de faire entrer la chaleur. Je me suis mis un instant à la fenêtre, torse nu, pour profiter de la fraîcheur retrouvée, d'un peu de brise sous mes aisselles encore moites de la nuit.
J'étais en train d'apprécier le moment quand, en regardant sur le trottoir opposé, presque en face de mes fenêtres, à l'endroit où il y a quelques années un entrepôt a laissé la place à un immeuble de bureaux dix fois plus haut, j'ai remarqué dans le groupe de fumeurs réunis devant la porte une silhouette que j'ai immédiatement reconnue: la même taille élancée et massive à la fois, la même tête ronde encadrée de cheveux clairs, la même jupe légère d'été. Seule la marinière avait été remplacée par un haut blanc sans manches emprisonnant sa lourde poitrine.
J'ai cru un moment rêver. Mais non: plus je regardais, plus j'étais certain que c'était elle. Mais que faire? Je ne pouvais l'appeler de ma fenêtre: je n'étais pas dans une tenue décente pour apostropher une dame dans la rue et, de toute façon, l'éloignement, même léger, et le trop grand bruit des moteurs de voitures l'aurait empêchée de m'entendre. M'habiller rapidement et descendre mes étages pour la rejoindre? Et de quoi aurais-je eu l'air? Et elle vis-à-vis de ses collègues? Et lui dire quoi? "Rappelez-vous, hier après-midi, les belles de nuit, la plante grasse!"
Et si ce n'était pas elle! Je passerais pour un vieux libidineux à la recherche de n'importe quel prétexte pour aborder une femme. Je n'ai donc pas bougé, je suis resté un long moment accoudé au rebord de ma fenêtre, à la regarder fumer sa cigarette et la jeter avant qu'elle ne soit achevée pour entrer dans l'immeuble avec un homme. J'avais lu ici les commentaires de Lancelot et de Karregwenn m'entraînant dans les clairs-obscurs du fantastique, auprès de ces dames blanches, de ces fées lointaines, petites filles des nymphes de l'Antiquité, qui apparaissent dans les jardins, à l'orée des forêts ou tout près des sources jaillissantes. Avais-je affaire à l'une d'entre elles, suffisamment téméraire pour s'aventurer jusqu'au cœur de la ville?
Les belles de nuit rouges qui ont poussées toutes seules dans le petit carré de terre de ma cour, je croyais que c'était le vent qui avait entraîné les graines de mon balcon. Mais n'était-ce pas plutôt elle qui, la nuit, quand tous les citadins dormaient, était venue les planter sous mes fenêtres? J'ai regardé dans la rue plusieurs fois dans la journée, espérant la voir réapparaître. Elle n'est pas revenue. Peut-être a-t-elle d'autres jardins à faire fleurir à l'autre bout du monde, dans la rue à côté, en terre aride, en terre arable, partout où elle pourra glisser quelques graines dans la main d'un homme encore un peu enfant?
mardi 25 août 2009
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5 commentaires:
Bon. Tu es appelé à la revoir, c'est certain. Et il n'est plus question de fées, de farfadets ni d'elfes.
Une coïncidence comme celle-là, ce serait trop gros si elle ne se renouvelait pas... à quoi bon, sinon, donner des coups au coeur de Calyste nu sur son balcon, ou presque....?
Et puis je sens que ça va tourner au "Mort à Venise" en négatif. Cette fois, c'est non plus un jeune éphèbe, mais une dame aux seins lourds, qui est l'objet d'une obsession de la part du narrateur. On intitulera ça "Vie à Lyon".
Et puis, qui sait, ça pourrait même devenir terriblement sensuel... hum. J'attends avec impatience le chapitre 3....
Personne ce matin!
Oui mais c'est ambiance "Mort à Venise", pas "A bout de souffle". Faut pas confondre les films... Laisse faire le destin...
Un remake de "Fenêtre sur cour" ? Suspense !
Que des références prestigieuses! Je suis flatté, messieurs.
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