Plus de deux heures et demie devant la télévision. Il fallait que cela en vaille la peine pour me retenir aussi longtemps devant l'écran.
Le Messie de Haendel, comme je l'ai annoncé un peu hâtivement hier. Je savais que c'était beau mais j'avais oublié à quel point cette musique baroque me touche, surtout quand elle est, comme ce soir, jouée intelligemment et avec beaucoup de retenue par l'ensemble Matheus de Jean-Christophe Spinosi.
Enregistrée au théâtre de Vienne il y a quelques jours à peine, cette interprétation accompagnée d'une mise en scène en costumes modernes est magnifique. Le plateau tournant nous présente différents décors tous semblables et tous différents par les détails, immense appartement bourgeois à haut plafond, tantôt morgue et tantôt maternité, tantôt couloir d'hôtel de luxe et tantôt lieu d'une dernière Cène cauchemardesque, dans des tons blancs et gris-bleu, dans des éclairages alternant chaleur et atmosphère glacée.
Le danseur, symbole du Christ, de l'Homme plutôt, martyrisé et ressuscité est un danseur sobre, au physique d'un Hugh Grant vieilli et asséché. Il s'intègre parfaitement à la musique, elle aussi donnée tout en retenue, dans l'Alléluia en particulier, qui respire la joie vraie. Deux soprani bouleversantes, un ténor à la hauteur, une basse tout en colère rentrée et surtout un contre-ténor dont la qualité de la voix égale ses talents de comédien, à l'instar des autres solistes. Les chœurs Schönberg que je ne connais pas et qui valent à eux seuls une salve d'applaudissements. Seule m'agaçait un peu une silhouette de fine soubrette s'exprimant en langage des signes et dont je ne comprenais pas très bien l'utilité, prenant sa présence ici pour une coquetterie inutile de mise en scène, jusqu'à ce qu'à la fin, sur l'Amen qui clôt l'Oratorio, elle nous transmette les paroles de la Prophétie d'Isaïe.
Je n'avais pas écouté cette œuvre depuis bien des années, sans doute depuis que je ne me sers plus de ma vieille chaîne, après l'invention du CD. Mais la mémoire m'en était restée intacte et deux notes suffisaient à me remettre l'air ou le récitatif en tête. La version que j'en ai est celle du London Symphony Orchestra § Chorus, dirigés par Sir Adrian Boult et datant des années soixante-dix, je pense, avec Joan Sutherland et Grace Bumbry. Pas de haute-contre, la mode n'en était pas encore revenue, mais une alto donc. Je l'ai sorti du bahut où tous ces vieux coffrets sont entreposés et je l'écouterai d'ici quelques jours, si mon diamant est toujours en état de me le permettre.
Cette fois-ci pourtant, j'ai été plus sensible qu'autrefois à la coïncidence entre la musique et l'évocation de tel ou tel moment de la vie et de la Passion du Christ. J'ai particulièrement remarqué la lente montée à la fin de la deuxième partie (doit-on employer le mot "acte"?) qui mène au final de l'Alléluia, avec l'air si délicat de la soprano: "How beautiful are the feet of them that preach the gospel of peace..." ("Comme ils sont beaux, les pieds de ceux qui prêchent un chant de paix..."). J'ai pensé à cette carte de Reporters sans frontières ( pétition en faveur de la liberté d'expression, en 2000) qui représente en noir et blanc deux pieds d'homme enchainés lourdement et que je garde en permanence sur mon bureau .
Ils n'ont pas encore fini de marcher, ces pieds-là.
lundi 13 avril 2009
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3 commentaires:
L'Alléluia me rappelle toujours mon passage au sein d'une chorale et l'émotion de se sentir au coeur de la musique....euh!...y'avait aussi le bel organe de la basse dans mon dos! ;-)
Piergil en enfant de choeur extatique, dans une robe au blanc immaculé, laissant apercevoir ses pieds nus enchaînés sur le dallage glacé de l'église...
Derrière lui, le "baryton" pousse son organe au maximum.
En fond sonore, le Messie de Haendel.
Moteur !
Ton "passage", Piergil? Pourquoi? L'organe de la basse t'a-t-il effrayé d'une quelconque façon?
Relevée, la robe, Lancelot? J'en ai l'impression, dans tes sous-entendus!
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