Quand j'arrive, elle ne répond pas à mon bonjour. Aucune, d'ailleurs, ce soir. L'ambiance n'y est pas. Elle pleure la mort de sa mère, disparue depuis plus de dix ans. Une autre tente de la consoler. Parce qu'elles sont comme ça : à se chipoter à longueur de journée pour un rien, pour la télévision trop fort, ou pas sur la bonne chaîne, pour une place occupée, pour aller répondre au téléphone de la cabine qui sonne et qui, régulièrement, se tait avant que l'une d'entre elles n'y arrive. Et puis à s'aider, à se réconforter quand l'une flanche, quand il y a de la brume dans une tête.
Plus tard, je m'assois un instant avec elle, dans leur "salon". Il y a Yvette, bien sûr, qui ne pleure plus mais semble un peu prostrée, et puis Maryse, l'ancienne esthéticienne qui prend bien garde à sa tenue, à son maintien et à sa coiffure. Il y a aussi une petite dame, la dernière arrivée, qui a obtenu une place sur le sofa, face à la télévision, mais tout près de la flaque qui se forme chaque fois qu'il pleut, sous la verrière. Une vieille dame calme et digne, peu bavarde mais polie, dont la canne est toujours appuyée au pilier.
Je reste toujours cinq minutes avec elles. Ce soir, pour les faire rire, je pousse un grand soupir de soulagement en m'installant sur la canapé et lance, suffisamment fort pour qu'elles entendent toutes : "Celui qui a inventé les sièges a eu une sacrément bonne idée !"
Maryse et la vieille dame sourient. Yvette se retourne et, tout en enroulant ses longs cheveux autour de sa main, me dit, complice : "Oui, c'est bien agréable de bénéficier des commodités de la conversation." Elle n'a pas oublié Molière.
mardi 25 février 2014
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2 commentaires:
Et après tu leur as déclamé :
"Quoi que puisse dire Aristote et toute la philosophie, il n’est rien d’égal au tabac : c’est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre !"
Chroum : j'essaie de m'en passer depuis un certain, temps et n'y parviens pas.
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