Je l'avais acheté il y a très longtemps et jamais regardé. La pochette du DVD montre un homme qui en porte un autre, au milieu d'un champ de tournesols. Le porteur, c'est Charles Berling, le porté Bernard Campan, le film L'Homme de sa vie.
Je l'ai mis ce soir sur mon lecteur parce que j'avais envie de tendresse, parce que le blues des vacances m'est tombé dessus aujourd'hui, sans crier gare. J'avais aimé le précédent film de Zabou Breitman, Se souvenir des belles choses, avec le même Campan et Isabelle Carré. Il m'avait bouleversé. J'ai voulu voir ce soir celui qui me touche de plus près.
L'image des tournesols est une des images gratuites du film, un peu faciles et stéréotypées, comme il en apparaît quelques autres au détour des scènes. Pourtant, malgré certaines facilités et certains tics (répétition parfois irritante et stérile des mêmes images), ce film est étrangement prenant. D'abord, il faut bien en écouter les dialogues: tout est dit dès le début, avant même que n'apparaisse celui qui va tout faire basculer.
Ensuite, la composition du film même, associant sentiments et progression de l'été. Début des vacances: on retrouve la maison, on laisse portes et fenêtres grandes ouvertes pour qu'elle retrouve son souffle, sa vie, sa respiration. Tout paraît léger, on épie les voisins, on les invite sans façon à un repas réunissant toute la famille. Seule la grand-mère est à la hauteur de l'intrus. Ensuite la torpeur qui s'installe, la chaleur dont parfois on rêve qu'elle cesse, les orages qui menacent et pourtant n'éclatent pas, rendant l'atmosphère encore plus électrique. Les sentiments vacillent et s'exaspèrent, les masques, sans tomber, se fissurent. Le voile du château de la Bête ne cesse de s'envoler dans le couloir de la vieille bâtisse. Alors vient le temps des nuées sombres, de la pluie qui gifle et des grondements du tonnerre qui ne recouvrent plus certains cris de souffrance.
Enfin, les deux acteurs masculins principaux, crédibles jusqu'à la moindre intonation. Si le rôle de Berling est assez traditionnel et rappelle, sous un certain angle, celui de Térence Stamp dans Théorème de Pasolini, celui de Campan découvrant sa part d'ombre qu'il refuse longtemps de voir est bouleversant. Et on y croit, à cette fragilité cachée derrière des allures de gentil macho.
Pourtant, ce qui m'a le plus ému n'est pas là, mais au tout début du film. Léa Drucker et Bernard Campan sont les seuls adultes de la maison. Les autres vont arriver bientôt mais la maison dort encore dans la touffeur d'un après-midi et l'on sent la paix, le silence, le bonheur du moment qui succède à la sieste. Ils veulent faire l'amour mais ne le peuvent pas car les voilà, les autres! Et la maison s'emplit de bruit, de cavalcades, les couloirs de valises et de sacs, de tout l'attirail des vacances que l'on rangera après les embrassades.
J'ai repensé à Bons, à notre maison où tant de monde est passé, où, par un bel après-midi, nous voyions arriver Jean-marie et Yveline, Christophe et Hélène, Philippe et Joëlle, Pilar et Gérard, Noëlle et Gérard, Isabelle, Jean-Marc, François-Jean, Luc, Raphaël, Josiane, Dolores, Stéphane, Myriam, Maurice, Elisabeth et tant d'autres, une liste à donner le tournis. Et ensuite ils viendront avec les enfants, encore tout petits et peu encombrants. J'aimais profiter du dernier instant de calme, dans la matinée, parce que la solitude m'est aussi nécessaire, et puis je plongeais dans le bruit et l'agitation avec frénésie parce que je les aimais tous, ensemble et séparément. Et le dimanche soir, quand ils repartaient et que nous retrouvions à nouveau seuls avec Pierre, les murs raisonnaient encore des rires et des cris. Tout cela me manque aujourd'hui.
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6 commentaires:
Je n'ai pas vu.
J'aime bien ton dernier paragraphe.
j'ai "passé commande" !
"Pourtant, malgré certaines facilités et certains tics (répétition parfois irritante et stérile des mêmes images"
C'est vrai que ça m'avait un peu gaché le plaisir...
mais oui,j'avis bien aimé la maison avec le couloir traversé par un courant d'air ...
Moi aussi, Cornus, j'aime bien mon dernier paragraphe. Vous devriez, toi et Lancelot, voir ce film et me dire ce que vous en pensez.
Il paraît que c'est un des symboles de notre ... différence, Piergil!
La commande a été livrée ! On regardera ça cet été, je te dirai. promis.
Tu a commandé "un Homme de ta vie"!? Mais tu en as déjà un, Lancelot!
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