Il y en a cinq à attendre, indifféremment à l'ombre ou au soleil. Les bœufs à énormes cornes dont j'ignore le nom se sont, eux, massés dans une coin du parc à l'ombre. On va bientôt leur ouvrir, leur donner à manger. Les gens s'arrêtent, deux minutes tout au plus: "Oh! Mimi, tu as vu les girafes?" Combien de fois par jour entend-on cette même phrase le long de leur enclos. Le temps de prendre une photo, de capter un instant l'attention de bébé qui, visiblement, ne voit rien là d'extraordinaire et préfère observer le chien bâtard qui tire sur sa chaîne au passage du lévrier, le temps de se dire: "On a vu les girafes!" pour pouvoir le redire aux autres, après, à ceux qui ne les ont pas vues, et on repart: plus loin, il paraît qu'il y a des crocodiles. Ce n'est pas pour rien que cela s'appelle La Plaine Africaine!
Un jeune homme à bicyclette, accompagné d'un ami, s'attarde un peu. Les deux ont arrêté leur vélo tout près, ils n'en descendent pas et ont l'air absorbés par ce qu'ils découvrent. N'ont-ils vraiment jamais vu de girafes? Alors, le plus gros, en se tournant vers son compagnon, développe le cliché: "Tout de même bizarre, cet animal! Et en plus, ça ne sert à rien!". Les vélos repartent, on a autre chose à faire.
Les cinq girafes, elles, restent encore un instant immobiles à la porte puis se lassent d'attendre leur soigneur et entreprennent alors une danse lente et irrégulière, une ronde autour de l'enclos, tantôt plus près, tantôt plus loin, à grands pas, comme qui essaie d'apprendre le rythme de la valse. De l'autre côté, sous les arbres de la place du Guignol, l'orgue de barbarie du carrousel enfantin égrène un air connu, un air de fête triste, de ceux qui vous font dire: "Tiens, ça sent la gaufre et la barbe à papa". On dirait qu'elles l'entendent et adaptent leur pas à la ritournelle. On a l'impression d'être un dimanche, à attendre en famille que les heures s'écoulent avant que chacun reprenne pour longtemps le chemin du chez soi.
La musique est triste. La girafe aussi. Enfin, qui peut le dire?
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6 commentaires:
Je ne suis pas spécialement adepte des parcs zoologiques. Cela ne me gêne pas que l'on regarde les girafes (ou d'autres animaux) pour leur côté esthétique ou étonnant (on fait bien la même chose avec les plantes). En revanche, qu'on ait une vision essentiellement utilitaire de la faune et de la flore m'embête beaucoup. J'ignore s'il y a des panneaux pédagogiques ou s'ils sont à la hauteur, mais pour moi, ce genre d'endroits, ce devrait être surtout le support pédagogique privilégié pour expliquer la vie, l'évolution, la nécessaire préservation des milieux naturels originels...
A quoi peut "servir" une girafe ? Quelle réflexion imbécile !
Christophe, tu me l'as enlevé de la bouche, pardon, du clavier ! Ca faisait longtemps que je n'avais pas entendu, ou lu, quelque chose d'aussi con !
Et l'homme, il sert à quelque chose ?
A l'Exposition coloniale de 1931, ce ne sont pas des girafes qu'on a exposé au Bois de Vincennes, mais des Kanak (qu'on écrit sans s). Il y en a eu de ces réflexions idiotes, vous imaginez? mais en plus avec la caution d'un gouvernement. Lire l'excellent livre de Didier Daeninckx "Cannibale".
Les panneaux, encore faut-il les lire, donc éprouver une certaine curiosité, Cornus.
Christophe et Lancelot:Moi, c'est pour mes études de latin-grec que l'on m'a souvent posé la question. Je répondais toujours que c'était un grand privilège de faire quelque chose qui ne sert à rien. Un luxe immense!
Merci pour la référence, Merbel. D'autant que je n'ai pas lu de Daeninckx depuis très longtemps.
Lancelot (entre autres), si tu savais le nombre de personnes qui demandent à quoi sert telle ou telle plante quand on fait visiter un jardin ou qu'on anime une sortie grand public. C'est affolant. Mais on sait quoi répondre (comme ta réponse, entre autres).
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