mercredi 27 janvier 2010

En herbe (2)

Si le texte d'hier (dans lequel je n'ai corrigé que les fautes d'orthographe), écrit par un garçon, avait des qualités - concision, vivacité d'un dialogue qui faisait progresser l'histoire, ce qui est un exploit pour un élève de sixième-, il restait encore relativement dans la tradition d'un univers enfantin (papillon, fée) et lançait un clin d'œil certain au Petit Nicolas. L'élément féminin en était, bien sûr, entièrement exclu et l'univers "viril" transparaissait déjà dans la chute avec la bombe, à moins que ce ne soit l'expression d'une angoisse latente face à la violence du monde des adultes. Mais je suis enseignant, pas psychiatre (ce que beaucoup de parents confondent aujourd'hui) et je n'irai pas plus loin sur cette voie.

Texte intéressant donc qui, avec des éléments banals et traditionnels, parvient à "dire" quelque chose.

Celui que je retranscris aujourd'hui est d'une autre espèce. Toujours écrit par un garçon (les filles viendront après, non par choix sexiste mais parce que leurs textes sont beaucoup plus surprenants), il reproduit, assez bien, l'univers télévisuel des films de guerre dont cet enfant doit, déjà, être un spectateur assidu. Voici donc à quoi rêve un garçon de onze ans, par ailleurs calme et équilibré. De quoi surprendre plus d'une maman aimante qui ne voit pas grandir le fruit de ses entrailles. Personnellement, ce texte m'intéresse moins que le précédent mais il partage avec lui la même vivacité dans la mise en scène, aspect de l'écriture suffisamment rare en sixième, où l'on se perd facilement dans les détails inutiles, pour être remarqué.

Alors que notre sergent Bridge avançait, un de nos coéquipiers se fit toucher par une balle. Notre lieutenant Gatz repéra instantanément une mitrailleuse ennemie située dans un immeuble et me dit:
- Jackson, abats cette mitrailleuse en te servant de ton AK47*!
- Oui, Lieutenant! répondis-je en prenant l'arme.
Viser fut difficile à cause du bruit de la bataille et des tanks qui explosaient mais je réussis! Moi, simple militaire! Après avoir éliminé le bataillon ennemi, nous poursuivîmes notre mission jusqu'à coincer notre cible sur le toit d'un immeuble de cinq étages.
Mission terminée.
* AK47: arme militaire avec longue vision

(Léo)

8 commentaires:

KarregWenn a dit…

C'est Leo qui t'as mis la note sur l'AK47 ? Il est super prévenant ce gamin !
Bon, je préférais l'autre. Mais hein, maintenant, place aux filles ! T'as promis !

Calyste a dit…

Oui, c'est lui. J'aurais peut-être compris sans!!!(bien que n'y connaissant strictement rien en armes)
Promis pour les filles. Demain ou après-demain. Moi aussi, je préfère l'autre, moins stéréotypé, mais je voulais montrer ce que certains ont en tête à cet âge-là.
Tu verras, les filles, c'est autre chose.

Cornus a dit…

Moi, j'aurais été incapable d'écrire l'un ou l'autre texte.
En 6ème, je me souviens d'une fois à l'occasion d'un sujet libre, j'avais raconté des histoires de chiens. C'est grave docteur ?

Calyste a dit…

Non, mon ami, mais ça m'explique un peu "Rex"!! :-)

Cornus a dit…

C'est pas un détestive Rex ? Ceci esplique cela ;-)

Calyste a dit…

Mais, bon Dieu, mais c'est bien sûr!

Lancelot a dit…

Tiens, moi aussi, en sixième, je me souviens de ma première rédaction en classe. Sujet libre. j'avais intitulé ça fièrement : "Mon chien".

Ma minute "Vieux Con" :

Franchement, Lassie ou Rex, c'est quand même bien plus sympa que toutes ces horreurs où l'on s'aperçoit que des gamins prennent plaisir à disséquer, avec un soin clinique, des dégommages de gens. J'ai préféré aussi le texte précédent qui, lui, avait l'originalité de mélanger le féérique et le sanglant. Sur celui-ci, j'ai envie de jouer au psychiatre, moi, tiens ! Ce que je trouve fascinant dans le texte de l'élève, c'est qu'il parle d' "éliminer un bataillon" d' "abattre une mitraillette", de "coincer une cible", mais jamais de "tuer un homme". On a vraiment l'impression que la beauté de la technique, le fracas des tirs, procurent un plaisir dont est complètement évacuée l'idée de souffrance humaine. Les pétarades, la fumée, l'odeur de la poudre, c'est magnifique. Ce qui se passe derrière et après... euh...? Il y a un "après"...? Ah bon...

Oui bon, je sais, j'enfonce une porte ouverte...

Calyste a dit…

Très bonne analyse de texte, Lancelot. Je ne l'avais pas remarqué. Le poème d'une fille, que j'ai posté aujourd'hui, te donnera un aperçu tout autre de leur image de la douleur et de la mort.