Ce matin, les troisièmes travaillaient sur une version latine traitant d'un personnage célèbre de l'Antiquité: Caton l'Ancien.
Célèbre pour la réplique qu'il lançait à la fin de chaque séance du Sénat pour rappeler le danger que constituait la puissance montante de Carthage face à Rome: Delenda est Carthago! Carthage doit être détruite! Il finit par convaincre la République en usant d'un procédé tout simple: puisque la parole ne suffisait pas pour décider ses collègues à engager les hostilités, il apporta un jour une figue avec lui au Sénat. Chacun la trouve belle et fraîche. Caton déclare alors que cette figue a été cueillie quelques jours auparavant à Carthage, sur le rivage africain. Si un tel fruit pouvait voyager d'une cité à l'autre aussi vite et aussi bien, que dire de ce que serait la fraîcheur des troupes dans les mêmes conditions? On déclare donc la guerre aux Puniques. On sait comment cela se termina.
Célèbre, Caton, aussi, pour sa rigueur morale et une intransigeance certaine en de nombreux domaines, en matière d'éducation par exemple. Si un comportement, une manière d'apprendre avaient été jugés bons par les ancêtres, quelle raison valable y avait-il pour qu'ils ne le soient plus à son époque? Caton, en vieux conservateur, prônait l'application stricte du Mos Majorum (la Coutume des Ancêtres) par les Romains de son temps. L'évolution de la société, sur ce point, lui, donna bien vite tort.
Il existe aussi un autre personnage célèbre du nom de Caton: il s'agit de Caton d'Utique, un ennemi juré de César qui, apprenant la victoire définitive de celui-ci sur Pompée, éloigna ses esclaves et sa famille et, avec son glaive, s'ouvrit largement le ventre dont il tenta d'extirper les viscères. Malgré les efforts pour l'en empêcher de ceux qui étaient accouru devant cette boucherie, il y réussit parfaitement.
Caton l'Ancien est pour moi un personnage un peu à part. Non que j'approuve particulièrement sa rigidité excessive mais parce que Pierre m'a longtemps surnommé affectueusement ainsi. Il connaissait bien les aspects parfois trop entiers de mon caractère, certains de mes jugements à l'emporte-pièces, et se moquait tendrement de moi en prononçant ces mots avec le sourire: Mon petit Caton!
Aujourd'hui, je crois qu'il n'aurait plus à le dire. Il m'a appris (et la vie elle aussi s'en est chargée) à mêler un peu d'eau à mon vin trop amer. Je suis resté profondément idéaliste et perfectionniste, parfois même un peu janséniste, mais j'accepte que les autres ne le soient pas et que la vie humaine ne se mette pas aussi évidemment en équation qu'un problème mathématique. Cela m'a permis, devant certaines situations, d'être moins malheureux parce que plus humain. En tout cas, je le pense.
Et puis, il est un autre aspect de Caton que j'apprécie toujours. C'est lui, il me semble, qui, donnant des conseils de bien vivre, préconisait de faire, avant de se coucher, plusieurs fois le tour de l'atrium et de l'autel des Dieux Lares, protecteurs de la maison et de ses habitants. Une bonne méthode, selon lui, pour passer une nuit paisible. Qu'un personnage aussi hiératique que Caton avoue cette pratique profondément intime me rassure sur lui, et me rassure sur moi aussi qui ne peux me coucher tranquillement sans avoir fait le tour des pièces de mon appartement, un peu comme un chien tourne plusieurs fois sur lui-même avant de s'installer pour dormir.
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1 commentaire:
Carthage c'est aussi le coup des figues ! Ben moi j'aime bien Caton, un intransigeant certes, mais un type droit et un bon orateur...
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