Hier soir, à dix-huit heures, à la Préfecture, débat sur l'identité nationale avec un MONSIEUR TRÈS IMPORTANT qui venait de Paris. Il doit effectivement être très important, ce monsieur, pour avoir besoin d'un tel dispositif de sécurité quand il se déplace.
Moi, dans ma vie qui va bientôt flirter avec les six décennies, je n'ai vu ça que deux fois: la première en Afrique noire, au Togo, lorsque le dictateur (comment employer un autre terme?) Gnassingbé Eyadema avait eu l'idée de traverser sa capitale Lomé un après-midi de 76 où je me trouvais là: ayant mis du temps à comprendre ce qui se passait, j'avais été à deux doigts de me faire matraquer par les hommes de son service de sécurité. Et ce n'était là qu'une sortie anodine.
La deuxième fois, c'était au Liban, à Beyrouth, lors d'un voyage entrepris entre deux périodes de conflits armés avec Israël. Il avait fallu se garer le long de la chaussée pour laisser passer une voiture blindée largement escortée dont je n'ai jamais su qui elle contenait. Cette fois-là, il y avait sans doute une raison valable.
Mais, en France, à Lyon, pour un ministre, jamais! Même la venue du pape ou du G7 ne m'a pas semblé causer autant de perturbation. Ainsi donc, pour permettre à ce monsieur (à qui il faudrait sans doute rappeler le sens premier de ministre, c'est-à-dire serviteur) de circuler le plus vite, le plus directement et le plus sûrement, a-t-on bloqué tout le quartier de la Préfecture et ses (très larges) abords: interdiction de stationner à proximité, circulation interdite sur certains tronçons, laissez-passer accordé aux habitants uniquement sur présentation de justificatif de domicile, détournement des lignes de bus, neutralisation des arrêts de tramway les plus proches...
Voilà de quoi engager un dialogue en toute sérénité! Mais de quoi ce monsieur a-t-il peur à ce point? Le quartier de la Préfecture est un quartier bourgeois, de la très ancienne bourgeoisie lyonnaise. Ce n'est pas là que vivent les karchérisables pas plus que les affreux citoyens qui ont encore de l'espoir en votant pour une gauche moribonde. Même si, depuis les dernières élections, le 3° arrondissement est tombé dans l'escarcelle du PS, on ne peut pas dire que la révolution bolchévique y gronde tous les soirs. Tout au plus peut-on y croiser quelques bobos vélocipédistes qui jouent à se sentir progressistes en votant rose, qui achètent un sapin avec la housse pour le jeter (écologie oblige) et l'abandonnent sur le trottoir, à un coin de rue, à cent mètres à peine d'un lieu de collecte ! Rien de bien dangereux pour vous donc, cher Monsieur.
Alors, à quoi rime ce déploiement de forces, cette volonté clairement affirmée de montrer que l'on est là? Rassurez-vous, monsieur le ministre, le citoyen lambda aura compris le message subliminal(?): l'insécurité règne dans les grandes villes, le jour comme la nuit, dans les banlieues comme dans le centre ville. Il faut se protéger! Et, bien sûr, nul besoin d'aller chercher protection encore un peu plus à droite: vous êtes là, vous vous occupez de tout. Braves gens, dormez tranquilles!
Et vous appelez cela un débat? Vous avez ainsi définitivement tué dans l'œuf tout ce qui, éventuellement, très éventuellement, aurait pu en sortir de positif.
samedi 23 janvier 2010
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6 commentaires:
Je croirais me lire :)
La peur de l'autre engendre la bêtise, mais parfois, à force d'en rajouter, et d'en profiter, le bon sens se rebiffe et l'effet escompté n'y est pas. Trop de force tue la force.
À part ça, tu as raison il ne faut pas enlever la photo des deux garçons sur le bord de l'eau, elle est belle.
La France deviendrait-elle le pays de Karchérie et ses habitants les karchérisables ? J’aime bien ce néologisme.
AL
Plus de calcaire...il a retrouvé la forme !
Ce déploiement de forces est en effet scandaleux, tout comme est scandaleux leur niveau de vie et les moyens exorbitants mis à leur disposition pour voyager, faire des réceptions, les seconder... Les sommes englouties pour rien sont affolantes. Ce qui est énervant, c'est qu'ils ne se rendent même pas compte qu'ils vivent dans un autre monde et il leur paraît normal que tout leur soit dû.
A quand la révolution de la modestie ?
@ Cornus : "démago", tout ça, c'est "démago" ! tu tiens un langage DE - MA - GO !!!!!
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