Le problème avec les livres de Jean-Bertrand Pontalis, c'est qu'ils sont trop vite lus et qu'il faut attendre longtemps ensuite qu'il en paraisse un autre. J'ai déjà dit ma proximité de pensée avec cet homme, proximité qui fait que je ne me trouve que très rarement en désaccord avec lui. Et même si, de tempérament, je suis loin de partager son calme, j'admire ce "philosophe" serein mais pas tranquille.
Livre cette fois-ci sur la violence, irracontable, irrésumable, comme chaque fois, tant son esprit est libre et vagabonde loin des sentiers d'un plan pré-établi d'écriture. Je "corne" de nombreuses pages et, à la fin, le livre a doublé de volume. C'est lui qui a fait naître en moi l'idée des faits divers fictifs, en citant un auteur que je ne connais pas, Félix Fénéon, et son ouvrage: Nouvelles en trois lignes.
Une page aussi qui m'a arrêté, dans le chapitre Ce que nous cherchons à conjurer, et que je cite en partie:
Je pense à Raymond Queneau, je pense à Pierre Bergounioux qui, à peine sorti du sommeil - il note l'heure exacte de son réveil - et avant de rejoindre le collège où il enseigne, relate en détail ce qu'il a vécu la veille. Pourquoi? afin que le jour à venir n'efface pas le précédent, pour que lui, Pierre Bergounioux, ne s'efface pas lui-même, ne soit pas l'auteur de son propre effacement.. Dans ses carnets, il ne parle pas de ses livres en cours, rarement des événements collectifs. Non, il y est question de l'achat d'un nouveau réfrigérateur, de la visite d'un maçon, de rangements, d'un encombrement sur l'autoroute ou, sur le même ton, d'un drame bouleversant.
Au cours d'un entretien récent, l'auteur dit vouloir retenir la grâce éphémère et fragile d'instants de vie.
Nous somme là à l'opposé d'un journal intime et de sa complaisance à soi. Il s'agit d'un travail de greffier, d'une tâche minutieuse de scribe dont l'écriture se doit d'être précise, sans effet de style, modeste. Ainsi confère-t-elle aux jours une netteté et un sens qui lui font défaut.
A quoi sert ce travail? A peu de chose. Peut-être à rien. Et c'est ce qui lui donne à mes yeux un pris inestimable.
( J-B Pontalis, Un jour, le crime. Ed. Gallimard.)
dimanche 7 octobre 2012
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4 commentaires:
J'avais dit que je lirai autre chose de Pontalis. Je n'y renonce pas.
Cornus: j'espère bien!
"La grâce éphémère d'un instant de vie." Comme cela est bien dit. Je ne connais pas Mr Bergounioux, mais reconnais que rien que pour l'avoir cité, pour avoir cité ces mots-là Mr Pontalis est pardonné à jamais.
Didier: tu avais donc quelque chose à reprocher à M. Pontalis?
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