Nous avons fait de nombreux voyages ensemble, avec la chorale dans les années artisanes et glorieuses, celles où le commercial n'avait pas pris le pas sur l'esprit. Nous nous occupions des enfants fatigués, nous soignions les petits bobos, nous vendions les disques à la fin des concerts. Le "petit personnel", comme nous appelait le chef de chœur, à l'époque où son humour n'était pas encore méprisant. Angleterre, Écosse, Allemagne, Italie, Russie, régions de France nous avaient vus côte à côte dans le car où je m'endormais souvent contre son épaule. J'aimais le confort de son corps enveloppé qui me calait. Il nous arrivait parfois de dormir dans la même chambre. Elle ronflait beaucoup mais ne voulait pas l'admettre: pour elle, simplement, elle respirait fort. Nous nous entendions bien et je l'aimais.
La maladie de Pierre mit fin à ces voyages. A sa mort, elle était en Belgique, en tournée. Je l'ai fait prévenir par la secrétaire parce qu'elle le connaissait bien aussi. et qu'elle l'appréciait. Un mot gentil du chef de chœur, rien de son coté. J'avais été blessé mais après tout, je pouvais comprendre que la mort fasse peur.
L'année suivante, je la croisais au repas de fin d'année où, bien que retraitée, elle était venue. Ses mots de consolation furent: "Maintenant que tu es seul, tu devrais vendre l'appartement: il est beaucoup trop grand pour toi!". J'avais été blessé, profondément. La cicatrice ne s'est jamais refermée.
Des années de silence. Elle avait vendu son appartement de Lyon pour ne plus vivre que près de Nantua dans la villa héritée de sa mère institutrice. Hier, j'ai appris qu'elle avait subi une opération de la vessie, il y a deux ans, avec pose d'une poche artificielle. Quelques temps de rémission puis la généralisation du cancer. Elle est maintenant dans un petit hôpital de l'Ain, en phase probablement terminale, sous morphine, méconnaissable. Je ne peux pas lui pardonner mais je la plains.
vendredi 6 juillet 2012
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7 commentaires:
Les gens qui vont, qui viennent, qui deviennent des fantômes, des histoires qui se croisent, se décroisent. Qu'est ce qui fait qu'à un temps X on est très proche de quelqu'un et que, d'un coup, on s'en éloigne à jamais ? Je me pose souvent ce genre de questions. C'est comme si une histoire secrète liait les gens.
Les rencontres sont le fruit du hasard, amitiés ou amour, une alchimie se crée, bénéficiant des circonstances.
Et puis les circonstances changent et, en amitié comme en amour, l'alchimie a besoin d'être travaillée, nourrie pour perdurer. Il faut être deux dans une relation.
J'ai longtemps angoissé à l'idée de perdre, ne serait-ce que de vue, ceux qui m'étaient proches. Puis je me suis habitué à l'idée que l'on puisse s'éloigner et je me dis qu'au bout du compte je conserverai le meilleur, des amitiés jusqu'au bout ou de jolis souvenirs.
Certaines personnes peuvent décevoir. Et ce ne sont pas forcément celles auxquelles on pense en premier qui prennent des distances. Je me suis rendu compte que certains, assez distants en général, se révèlent quand on est dans la difficulté. Pas grand chose parfois, mais qui paraît essentiel à un moment donné.
Tu me fais me souvenir que j'ai une vieille amie à aller voir. Des relations que je veux assez rares mais qui n'en sont pas moins importantes à mes yeux.
C'est vous qui êtes à plaindre de ne pouvoir lui pardonner.
La perte d'une amitié ou d'un amour laisse toujours une cicatrice, surtout quand les raisons profondes nous échappent.
Comme le dit Jérome, la rencontre, le rapprochement, relèvent d'une alchimie, et celle-ci ne semble pas toujours dus au hasard ; nous "devions" nous rencontrer, cela paraît évident à l'instant...
L'éloignement subi est vécu alors comme une injustice, une remise en cause de la vérité de la relation elle-même, une trahison insupportable.
Et puis, avec le temps, avec le temps va, tout s'en va... sauf l'angoisse, cette chienne qui sait toujours planter ses crocs quand on ne l'attend pas..
un lien pour écouter le grand Léo : "Que sont mes amis devenus ?
Nicolas: j'ai appris à faire avec.
Jérôme: tu as sans doute raison. C'est en tout cas le chemin que je prends.
Cornus: c'est exactement l'expérience que j'ai connue lors de mes problèmes, et la surprise aussi.
Anonyme: alors plaignez-moi!
Jean-Pierre: merci pour le lien vers cette chanson que je connais, bien sûr. Ce n'est pas de l'angoisse que je ressens. peut-être parfois un moment de mélancolie.
J'ai compris très tôt une chose, à moins et c'est plus que probables, que ce soit mes parents qui me l'aient inculquée en douceur : "il ne faut pas demander aux autres d'être autre que ce qu'ils sont et de donner plus qu'ils peuvent"...
Ce en quoi ils étaient sans le savoir et bien malgré eux maoîstes... "Il ne faut compter que sur ses propres forces" disait l'inoubliable "Grand timonier"!
Merci Maman, merci Papa !
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