J'ai mes racines à Roquebrune-Cap-Martin. C'est ainsi qu'on appelle aujourd'hui la commune où je réside, dans les Alpes-Maritimes, depuis que les hommes ont créé les divisions de la terre que l'on nomme départements. Pourquoi pas? Je suis si vieux que le nom que l'on donne aux cailloux qui me portent ne me chagrine pas. En entendant parler les gens, j'ai appris que j'étais le plus vieil arbre de France, cet état dont j'ai suivi la construction depuis le début. J'ai deux mille ans. Lorsque mes premières olives ont mûri, le premier roi de ce pays n'était pas encore né.
Ne croyez pas que j'en tire vanité. Je suis là, c'est tout. Une affaire de hasard, quand j'ai vu mes compagnons dépérir peu à peu ou être massacrés par les hommes. Je suis là, c'est tout. J'ai connu des hivers, j'ai connu des étés. Ils ne se ressemblent pas tous mais tous m'ont apporté leur lot de frimas et de cueillette, sans que jamais, je ne me lasse de ce perpétuel recommencement. Je les ai vus s'activer sous mes branches, ces bipèdes dont l'habit n'a cessé de changer au fil des siècles. Je peux vous dire qu'ils sont toujours les mêmes, malgré tout, comme mes fruits plus ou moins gros, plus ou moins juteux selon les années.
Pourtant, au fil du temps qui a passé, j'ai appris. Appris que cette race des humains que je contemple depuis si longtemps a beau changé de costumes, a beau inventer, a beau s'agiter, ce sont toujours les mêmes, avec leur grâces, avec leurs vilenies, avec leurs croyances et leurs espoirs. Et je n'attends plus rien des années qu'il me reste à ombrager la terre: je sais déjà tout.
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4 commentaires:
J'aime tout comme toi les arbres: souvent je me suis dit que si je pouvais écrire, ce serait un arbre qui serait le héros de mon roman: il est le témoin muet de notre humanité. Une futaie d'histoires, de l'Histoire, aussi. Tout comme dans Un roi sans divertissement de Giono. J'ai une vraie passion pour ce livre, dont un hêtre est le personnage central.
Suis allée voir cet olivier vénérable de Roquebrune sur le net. Impressionnant, émouvant même. Récemment, j'ai revu les oliviers centenaires, tortueux et très graphiques qui tiennent compagnie au Pont du Gard.Quel apaisement...
J'aime beaucoup ta note... elle aurait mérité d'être publiée le 12 juillet, jour de la Saint Olivier.
Christine: j'ai lu ce roman il y a très longtemps, probablement trop tôt pour en apprécier la beauté.
Belle note. Cet arrachage des oliviers, au moins centenaires depuis l'Espagne notamment pour venir les planter notamment chez de riches bourgeaois de la campagne française (Bretagne entre autres) me met dans une colère...
Cornus: j'en ai vus l'autre jour, en vente devant une grande surface. De très vieux oliviers qui devaient se demander ce qu'ils foutaient là! Moi aussi, ça m'a mis en rogne.
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