vendredi 6 juillet 2012

Momentini

- Vu l'infirmière de ma mère. Il est question de lui donner un médicament agissant sur la démence. Le cachet lui fera du bien. Le mot m'a fait mal.

- Réveillé ce matin avec une impression de bien-être, à m'étirer dans les draps de mon lit. Et puis, dès les premiers pas, la fatigue qui arrive, et le désarroi, comme lorsqu'on émerge d'une sieste trop longue et que l'on ne connaît plus ni le lieu, ni le jour, ni l'heure. Il faut bien trois ou quatre jours pour que l'équilibre revienne.

- L'Avare au programme, cette année, de Tout l'monde dehors. Vu il y a deux ou trois ans Les Précieuses ridicules par la même troupe, en plein air. Ils s'en étaient très bien tirés. Curieux de voir ce que ça va donner cette fois-ci. Harpagon est un personnage tragique.

- Sandrine Bonnaire l'autre jour, dans A nos Amours, de Maurice Pialat. Son premier rôle et l'évocation d'une époque que j'ai bien connue. Identique à mes souvenirs. L'avant-sida. Juste avant.


8 commentaires:

Nicolas Raviere a dit…

- .... pensée pour toi.

Bon pour l'Avare, j'hésitai, mais si tu me dis que la troupe est bonne. J'ai un peu peur que ce soit trop fréquenté. Le public est comment en règle générale ?

laplumequivole a dit…

Pour le cachet de ta mère je comprends ton sentiment. Je conçois aussi qu'il faille dire la vérité aux familles, mais quand même,connaissent pas la différence entre langue de bois et délicatesse ?

Cornus a dit…

J'ignore vraiment comment ma mère, lorsqu'elle était infirmière dans une "maison de vieux" médicalisée s'y prenait pour expliquer aux familles ? En tout cas pas ce que tu avais rapporté la dernière fois. Je ne pense pas que cela soit simple dans tous les cas de figure. Je me souviens juste que ma mère rentrait tous les jours véritablement épuisée du travail et qu'heureusement elle avait pu prendre sa retraite à 60 ans.

dbildoc a dit…

En médecine la démence n'a rien à voir avec la folie, c'est une diminution des capacités cognitives qui peut entrainer une perte d'autonomie.Pour les personnes agées on parle aussi de sénilité ce qui n'est guère mieux!...au dela des mots, ce qui compte c'est surtout la façon de les dire. Mais pas toujours facile car il faut adapter son discour à chaque personne.

kabaod a dit…

(je coupe mon commentaire deux puisque je dépasse le nombre de caractère autorisé).
Je m'apprêtais justement à préciser ce qu'évoque le commentaire ci-dessus. Effectivement, le lexique médical utilise

souvent des termes dans leur sens premier : "démence sénile", "obésité morbide", "région sacrée", etc. Puisque tu

pratiques le latin (sans doute aussi le grec), tu peux deviner que ce langage technique conserve la source du sens par-

delà ce que le terme devient parmi ses emplois sécularisés, ses représentations populaires (et puis, n'as-tu jamais dit

"mongolien" au lieu de "trisomique 21", "bec de lièvre" pour "fente labio palatine" ?). Chez les botanistes, "glauque" est

un terme courant que nous-mêmes jamais n'utilisons pour décrire une nuance de vert.
Quand je lis tes dernières notes au sujet de ta mère, je perçois (pour le vivre au quotidien) ce qui peut nourrir tes

agacements, tes inquiétudes. J'ignore si l'on t'a averti de l'évolution naturelle de la pathologie de ta mère (je suppose

que oui), en tout cas la dégradation des facultés cognitives et l'expression de ses angoisses par un comportement

"inadapté" (autre terme technique) caractérise un stade répertorié de cette maladie.
Les soignants sont formés à un vocabulaires spécifiques aux apparences souvent trompeuses malgré certaines poésies

("syndrome du membre fantôme") ou de pudeur ("exogénose" = alcoolisme chronique). Employer ses termes concentrés en sens

et vides de jugements renforcent l'efficacité de notre travail, notre neutralité (tant que faire se peut).
À sa lecture, ton billet me parle surtout de cet autre versant de notre quotidien : prendre en charge non seulement le

patient (le résident) mais tout autant son proche entourage ; et il n'existe pas de procédé infaillible pour dire les

choses - quelques uns de tes propos sur tes propres élèves m'auront laissé très perplexe, de même que je comprends

l'adjectif "lourd" trop machinalement employé par l'aide-soignante que tu as évoquée.
La maladresse (ou la difficulté d'être irréprochablement adroit en toute circonstance) anoblit celui qui la reçoit sans la

stigmatiser.

kabaod a dit…

Le sujet de ton mot, bien entendu, reste avant tout la façon dont tu "entends" personnellement l'évolution inéluctable de

la maladie de ta mère, laquelle résonne avec ce que tu as déjà vécu des altérations de l'état général des êtres qui

t'étaient chers. Arrive toujours le moment où la prise en charge doit évoluer, où le vocabulaire ne doit plus taire (je

veux bien prendre des leçons sur l'art d'être "délicat" en cas de dégradation criante, prévue, et déniée). Où c'est au

médecin de rééquilibrer le langage adéquat qui relie le patient à son proche entourage (le rôle infirmier, dont dépendent

les aides-soignantes, sont assujettis aux prescriptions des toubibs - bien qu'on bataille au front à chaque minute).
Ce que tu vis n'enchante personne ; surtout celles qui ne décident de rien. Quant aux réactions des proches, à nos façons

de danser entre le Latin et le Franc, la maladresse appuie sans cesse sur des phénomènes auxquels nous ne pouvons

qu'assister, aussi impuissants que la famille ou les amis. Comment justifies-tu l'échec d'un élève dont tu as auras pris

soin et l'incompréhension de sa mère institutrice ?
Dans cette histoire, tu peux t’enorgueillir de continuer ce que tu peux (veux) continuer : assister jusqu'au bout à sa

présence d'esprit selon ton souhait, ta disponibilité. À coté de ta dépense d'énergie les aide-soignantes continueront de

parler de résidente de plus en plus "lourde" (perte d'autonomie flagrante, oppositions aux soins, restriction de

l’effectif...), les infirmières de compenser la surcharge administrative, l'accroissement des prises en charge ainsi que

la discrétion grandissante des médecins dans les services.
D'une manière ou d'une autre tu vis mal une situation. La maladresse sera le plus souvent notre désavantage facile. Je ne

compte plus le nombre de collègues qui ont pleuré suite à des impasses.
Le besoin d'indulgence n'est la propriété d'aucun point de vue.

Didier M a dit…

Je serai plus court que kabaod. Lis le beau livre de Mathieu Simonet " La maternité" du nom du cebtre de soins palliatifs, une ancienne maternité, où elle est morte.

Calyste a dit…

Nicolas: mélangé mais réceptif.

La Plume: je n'incrimine en rien l'infirmière. Je préfère savoir exactement où l'on en est même si c'est difficile à entendre.

Cornus: même réponse qu'à La Plume. c'est un travail très délicat et fatigant et j'admire les infirmières et les aide-soignantes. Je ne voudrais pas faire ce métier.

Dbildoc: c'est exactement ce dont il s'agit pour ma mère. Mais certains mots, quel que soit leur sens, sont durs à avaler.

Kabaod: je ne suis pas sûr d'avoir tout compris dans tes deux longs commentaires. Mais cette phrase de mon billet n'en appelait pas de si exhaustifs! Simple cri des tripes que je revendique.

Didier: je ne crois pas que je lirai, en tout cas pas pour l'instant.