Je sais que l'on peut vivre sans culture. Je parle ici de la culture dite bourgeoise qui m'a été inculquée, bien que je ne sois pas originaire de ce milieu social, ou dont on m'a donné la curiosité pendant mes études. Certains s'en passent et sont tout aussi heureux sans. Je ne la mets pas au dessus d'autres formes de culture, plus populaires ou professionnelles. Loin de moi l'idée de faire partie d'une aristocratie qui serait seule à posséder le vrai savoir. D'ailleurs, certains, possédant un bon bagage de connaissances, ne sont que de sombres imbéciles.
Mais je me demande souvent comment je pourrais, pour ma part, continuer à exister sans elle. Elle m'est aussi indispensable que l'eau ou le pain, que l'air que je respire. Je ne sais pas vivre sans lire, sans écouter de la musique, même si je passe de longues périodes sans toucher un disque, sans m'intéresser au cinéma, même si je ne vais guère dans les salles, et surtout sans avoir à ma disposition tout ce que j'ai engrangé jusqu'à aujourd'hui.
Il m'est souvent pénible de ne pouvoir communiquer qu'avec de rares amis sur un sujet dont je sais que la plupart de ceux qui m'entourent ne connaissent pas le moindre détail. Telle situation, telle remarque quotidienne me renvoient souvent à un livre, un film, un point d'histoire ou de civilisation, antique par exemple, et je dois réfréner l'envie de l'évoquer, parce que je sais que l'on me regardera alors comme un doux dingue, un dinosaure ou quelqu'un qui ne se prend pas pour la queue d'une poire, alors qu'il ne s'agit en rien de cela. Il y a de la joie à pouvoir échanger cette culture, à en jouer sans la croire supérieure. Quel bonheur que cette complicité-là! J'aime parfois me passer en tête quelques vers appris dans mon enfance et dont je me souviens encore. J'aime voir les correspondances entre des faits actuels, des comportements contemporains et ce qui se passait dans le monde grec ou romain. J'aime comprendre le commencement des choses. Pour moi, il n'y a rien de pire que ceux qui considèrent que le monde est né avec eux et que l'homme moderne a tout inventé.
Dans le film de Truffaut, Fahreinheit 451, des résistants se réfugient dans les bois pour échapper à la civilisation anti-livres et apprennent chacun un ouvrage qu'ils veulent sauver de l'anéantissement. Je crois que je serais capable d'être un de ces individus en marge qui consacrent leur vie à la sauvegarde de ce qui leur est essentiel. D'ailleurs, il m'arrive souvent de me sentir en marge sur ce point précis. Mais je ne pourrais vivre ailleurs que dans cette marge.
jeudi 13 janvier 2011
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13 commentaires:
Certes, c'est très confortable et rassurant de converser avec des personnes qui ont peu ou prou la même culture et les mêmes références. Mais d'un autre côté, je trouve (presque) plus intéressant et enrichissant d'être confronté à des personnes qui n'ont pas le même parcours, même si cela peut être perturbant au premier abord. Et je pense que le "sans culture" est quelque chose qui reste à mon avis assez rare. Parfois, il est intéressant de recevoir et de ne pas trop communiquer en retour. Dans mon cas, je parle rarement de mon boulot (et de ce qui s'y rattache indirectement) quand je suis avec des amis ou autres et qui ne sont pas de la partie et ce n'est pas pour autant que je m'ennuie. Je trouve toujours des sujets d'accroche avec des gens qui sont allés à l'école ou qui y sont peu allés.
Oui, Cornus, mais pouvoir échanger ce que l'on est constamment obligé de garder en soi est aussi sujet de contentement. Pour ma part, je partage ton avis, bien sûr, que l'on s'enrichit en dialoguant avec des personnes qui ne sont pas dans ton "univers". Heureusement! J'étoufferais à ne fréquenter que des semblables. Quant à la rareté du sang-culture, je te trouve plutôt optimiste.
Oui, c'est vrai que je suis beaucoup trop indulgent, car par miracle, j'avais oublié l'espace d'un instant tout un cortège de trous noirs malheureusement non engloutis dans le néant culturel.
Voilà un sujet et une note qui me touche et qui pourrait me faire écrire 3 pages de comm...Je crois que je vais plutôt concocter...une note, ça sera plus simple, si mes neurones reviennent de vacances !
pourraient
Je suis moins timide -ou moins modeste?- que vous, Calyste. Je parle "tout haut" me disant que la culture est gaie et mérite le partage! Tant pis pour celles et ceux qui en tireront des conclusions désobligeantes sur ma personne; de toute façon, quoique je fasse, le résultat aurait été le même. Autant que les critiques portent sur ce que j'estime vital!
Encore beaucoup de choses à dire mais je dois aller "essaimer". J'entends le doux bruit de la sonnerie!
Il n'y a pas des cultures mais une culture et la culture dite "classique" constitue le tronc commun qui en irrigue toutes les branches. Certains considèrent à mauvais titre que la culture classique est "bourgeoise" (ce cher Bourdieu qui en était pourtant pétri!) ou élitiste (les "pédagogues modernes") et qu'il ne faut plus l'enseigner aux élèves. Quelle honte! Bien au contraire, je pense qu'il faut la leur faire "manger" à toutes les disciplines (en sciences, on n'a pas le choix et c'est très bien ainsi car on n'y enseigne que des sciences "classiques"!). Quitte à ce qu'ils la rejettent pour construire leurs propres références. Mais le but sera finalement atteint: former leur esprit au jugement critique...
Je remercie en tout cas l'Ecole de m'avoir enseigné la culture "classique" moi qui comme toi étais issu d'un milieu peu instruit mais très respectueux de La culture. Beaucoup d'élèves n'ont plus cette chance aujourd'hui...
Sauf que pour nuancer ce que dit Zeus_antares, il n'existe pas vraiment d'apprentissage des sciences (culture scientifique globale) au primaire, au collège et au lycée, y compris dans les disciplines dites scientifiques. On n'enseigne que quelques disciplines scientifiques. Et beaucoup de manques. Seule la philosophie qui était (est encore ?) enseignée en terminale scientifique permettait de mieux cerner certains aspects généraux de la démarche scientifiques et l'épistémologie.
Pour moi, dans le domaine de l'ensignement des sciences, il y a beaucoup trop de "nez dans le guidon" et pas suffisamment de mises en perspective, d'histoire des sciences et aussi un grand manque de transversalité entre disciplines chez les chercheurs qui la plupart du temps ne s'intéressent pas à ce que font les autres dans leurs spécialités respectives. Pour moi, c'est une sacrée difficulté et c'est difficile.
Tout cela m'a bien éloigné du sujet initial. Pardon Calyste.
Ça m'intéressera de te lire sur ce sujet, KarregWenn. Vraiment.
Je parlerais même de joie en ce qui concerne la culture, Christine, une joie intérieure certes.
Zeus: c'est vrai: lorsque l'on a réussi à inculquer aux élèves un minimum d'esprit critique, qu'ils cultiveront ensuite par eux-mêmes, je crois que l'on a pas été inutile en tant qu'enseignant.
Crois-tu que les littéraires soient mieux lotis, Cornus. L'enseignement actuel est bien souvent un éparpillement de savoirs sans lien entre eux et donc qui ne créent aucun sens pour les élèves. Pour ma part, je suis sûr que l'essentiel d'un cours est dans les parenthèses. C'est ses parenthèses qui m'ont fait aimer un professeur de français que j'ai eu la chance d'avoir trois ans et qui a largement contribué à asseoir ce que je suis aujourd'hui.
C'est exact et je suis d'accord avec toi que les "parenthèses" peuvent s'avérer plus importantes que les détail étudié, qu'il soit d'ordre littéraire, scientifique ou autres.
En revanche en histoire, j'avais l'impression que c'était mieux. En géographie, en revanche, c'était (c'est encore ?) exclusivement orienté (collège et lycée) vers la géographie humaine ou économique, avec une extrême pauvreté voire une absence totale des enseignements en géographie physique ou en biogéographie.
Cornus: sur ton deuxième paragraphe, je ne suis pas suffisamment au courant pour te répondre.
Dans ta première réponse à Cornus : "SanG-culture" : OUHHHH qu'il est joli çuilà de lapsus, Msieur Calyste... venez vite vous allonger sur le divan du psy, on va disséquer tout ça ensemble... :D
Plus ça va et plus je me dis que la bloganalyse c'est bien plus intéressant et amusant que la psychanalyse. D'abord, on a le temps de revenir sur ce que l'on a écrit, et de réexaminer ça à tête, pardon, à clavier reposé. Ensuite, on est dans une relation à plusieurs, et non pas tristement binaire... avec nos sensibilités diverses. C'est follement amusant et intéressant.
Oui, magnifique lapsus, Lancelot. Et j'aime ton adverbe "follement"!
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