C'est étonnant comme les pas de femme
Résonnent au cerveau des pauvres malheureux.
disait Verlaine dans un de ses plus beaux poèmes, L'espoir luit....
Longtemps, ces vers m'ont paru obscurs. Je ne les comprenais pas. Aujourd'hui, je ne les comprends toujours pas mais ils éveillent en moi des "correspondances", réactualisent un instant des moments vécus dont le point d'ancrage est un bruit. Celui des femmes, bien sûr, dans les hôpitaux la nuit ou le matin à la première aurore, lorsque, même en vie, on a froid sous le drap trop court qui couvre à peine le brancard et qu'elles arrivent, celles du service de jour, avec encore la vie de l'extérieur dans l'air qu'elles expirent et la force du pas trop fort sur le carreau. Savent-elles qu'elles transpercent le cerveau des "pauvres malheureux"?
Le bruit de la pendule aussi, dans le silence d'un repas pris seul face à une assiette déjà vide ou lorsqu'au salon, on lève un instant le nez de son livre pour s'assurer que l'on est bien toujours là, au milieu de ses meubles familiers et que la tempête qui coula le vaisseau de Robinson ne vous atteindra pas. Bruit rassurant, installé dans le quotidien, reposant par son rythme calme et presque imperceptible puisque l'instant d'avant, on ne le percevait pas.
Ces bruits-là s'imposent en brisant le silence qui les précédait et remplissent, presqu'avec bonheur, un vide trop lourd à supporter. Mais il y a les autres, ceux que l'on perçoit au milieu de centaines d'autres plus puissants qu'eux, plus aigus, plus tonitruants, et qui pourtant ne parviennent pas à masquer plus longtemps le tic-tac de la montre ou le ronronnement du réfrigérateur. Ceux-là sont terribles car, d'oubliés qu'ils étaient, ils deviennent encombrants: on n'entend plus qu'eux une fois qu'on les a perçus, ils semblent réguliers, au premier abord, puis, en concentrant davantage son attention sur eux, on reconnait des variations, de rythme, d'intensité, de profondeur. Comment le mouvement d'une pendule peut-il accaparer l'esprit à ce point, au point qu'une seconde, la foudre même ne pourrait tenir autant de place dans ce tambour idiot qu'est votre tête que ces battements de votre cœur qui vous sont devenus extérieurs?
On peut, mais tous le peuvent-ils?, pour arrêter le tintamarre, se réciter en douce, tout seul, rien que pour soi, ces vieux vers appris lorsqu'on était jeune et qui paraissent si jeunes maintenant que l'on est vieux.
L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable.
Que crains-tu de la guêpe ivre de son vol fou ?
Vois, le soleil toujours poudroie à quelque trou.
Que ne t’endormais-tu, le coude sur la table ?
Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé,
Bois-la. Puis dors après. Allons, tu vois, je reste,
Et je dorloterai les rêves de ta sieste,
Et tu chantonneras comme un enfant bercé.
Midi sonne. De grâce, éloignez-vous, madame.
Il dort. C’est étonnant comme les pas de femme
Résonnent au cerveau des pauvres malheureux.
Midi sonne. J’ai fait arroser dans la chambre.
Va, dors ! L’espoir luit comme un caillou dans un creux.
Ah ! quand refleuriront les roses de septembre !
Verlaine, Sagesse.
lundi 10 janvier 2011
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4 commentaires:
J'aime bien le tic-tac d'une horloge ou d'une pendule, mais Fromfrom n'aime pas l'entendre sonner la nuit, même si elle n'est pas dans la même pièce. Il y en a une comme ça chez mes parents qui avait été restaurée et que je trouve sympa.
Sinon, les bruits que je n'apprécie pas lorsque je suis tranquille à la maison : musique systématiquement désagréable venue du voisinage, aboiement de chiens, gamins braillards...
Gamins braillards? Il ne faudrait pas que tu sois prof, Cornus. Ceci dit, moi non plus, une fois rentré chez moi, je ne supporte pas d'en entendre un. C'est incroyable le nombre de décibels qu'ils peuvent balancer, ces mioches!
Le bruit le pire que je connaisse, c'est quelqu'un qui grince des dents en dormant! Insupportable!
Le bruxisme ! C'est tout de même moins pire que le ronflisme tonitruantissime !
Je les mets à égalité, Lancelot. Sauf que le bruxisme a un côté plus inquiétant dans l'obscurité.
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