Lire les blogs des autres réveille souvent nos propres souvenirs. On se dit: "Tiens, je n'y avais pas pensé. Comment en aurais-je parlé moi-même? L'angle d'approche aurait-il été le même? Et la conclusion?"
C'est ainsi que, ce soir, en lisant Fabrice, m'est revenu, au détour de l'une de ses phrases, le plaisir intense de faire les paquets, d'emballer les cadeaux.
Pour Noël, bien sûr, mais également à l'occasion de fêtes ou d'anniversaires. Je préférais empaqueter moi-même plutôt que de laisser œuvrer plus ou moins bien les extras des magasins, embauchés pour l'occasion, ou une bande de scouts qui se croient en train de débroussailler la pampa. Il fallait acheter le rouleau de papier cadeaux. C'était déjà un plaisir en soi: choisir les coloris, le motif, présager de l'effet final, en toucher si possible le grain, imaginer ses reflets sous les bougies du sapin.
Ensuite, on devait veiller à ne pas se tromper en le découpant à la bonne dimension, à laisser suffisamment de marge pour tout empaqueter et faire un joli rabat , comme au pantalon l'ourlet. Cela nécessitait aussi de choisir, dans le nombre, les meilleurs ciseaux, ceux qui coupent sans effort, sans dévier, sans accrocher. Poser ensuite le papier à l'envers sur la table, débarrassée auparavant de tout encombrement, de toute rugosité susceptible de perforer la feuille.
Positionner l'objet bien au milieu, dans le sens de la longueur ou de la largeur, selon l'inspiration, la forme ou la trame, commencer les pliures en ne froissant pas le reste, retourner l'objet pour toujours "être à sa main", bien lisser en veillant comme pour les chemises repassées à ce qu'il n'y ait aucun faux pli. Le plus délicat pour moi était le moment des dernières pliures, celles des deux oreilles qu'il fallait rendre symétriques, parfois couper afin qu'elles ne constituent pas une épaisseur trop importante de papier. Il y avait là, dans les angles, une dextérité à acquérir, un sixième sens à mettre en œuvre pour qu'il n'y ait pas patte d'oie, comme au coin des yeux fatigués, mais pliure franche et nette.
Ensuite, il fallait coller le rabat avec un petit bout d'adhésif, avant, si l'on était satisfait, de consolider la première attache par d'autres points d'ancrage. Attention à ne point trop en mettre, au risque de rendre le paquet disgracieux. Un dernier coup du plat de la main, plus pour savourer la qualité du travail effectué que pour effacer un défaut imaginaire, et l'on tirait alors une longueur suffisante de ruban pour parfaire l'apparence finale.
Soit en croix, le plus simple, soit en diagonale dans deux angles opposés, le ruban prenait sa place définitive tandis que le paquet virevoltait pour laisser le lien s'enrouler autour de lui. Alors le moment était venu de prendre entre les doigts les derniers centimètres du ruban utilisé, d'ouvrir la paire de ciseaux et de n'en retenir qu'une des deux lames, elle aussi à coincer entre deux doigts, puis, d'un geste preste et sûr, de frotter le ruban avec cette lame pour qu'il se mette à friser, boucles d'or artistiquement agencées sur le sommet du paquet.
Le papier n'est pas, pour moi, destiné seulement à masquer le cadeau pour en retarder la découverte, il est une joie à lui tout seul, parfois plus grande que l'objet reçu parce qu'il a rendu beau et unique le don, parce qu'il l'a personnalisé, parce que sa manipulation constitue un plaisir d'esthète et une offrande supplémentaire de son temps.
A la fin de la fête, les papiers froissés sont entassés près de la poubelle pleine, à côté des déchets gras des assiettes, parfois encore enrubannés pour ceux qui n'ont pas été patiemment déshabillés mais sauvagement déchirés sans respect pour leur mystère propre. Je n'aime pas ces tas, on dirait des cimetières.
Pour les livres scolaires qu'il fallait couvrir à la rentrée des classes, le plaisir était le même, plus intense encore sans doute parce que l'on travaillait pour soi, pour le bien-être de son année, parce que livres bien couverts étaient présage de travail bien fait, de découvertes intéressantes et de bons résultats.
Et puis un temps était toujours consacré à feuilleter le nouveau manuel, à le humer, à y admirer, fier, en gros le numéro de la nouvelle classe, cinquième, quatrième,..., à s'arrêter aux illustrations, parfois à lire un texte entier, ou à rêver, fasciné, comme je le fis en découvrant mon premier livre de grec.
Que serait cette année qui s'annonçait? Qui allions-nous rencontrer? Quels seraient nos points forts, nos faiblesses? La curiosité l'emportait largement sur l'appréhension, et les livres bien rangés dans le cartable ciré pesaient lourd mais nous aidaient à avancer.
samedi 20 décembre 2008
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11 commentaires:
Eh ben ! Je ne suis pas près de t'offir un cadeau.
Manuel comme je suis, l'emballage te décevrait à coup sûr :)
Il est des cadeaux que l'on peut offrir non empaquetés, mon cher Olivier!
Quel élégant cadeau que ce billet si joliment emballé !
Je l'ai déballé avec soin en gardant ses frisures dorées.
Je n'ai pas déchiré ni froissé le papier, je le garde pour recouvrir mes livres neufs.
Ainsi ai-je des étagères chamarrées par endroits, mélangées au sérieux du papier kraft brun ou noir.
Regarder les reliures ainsi habillées me rappelle ceux qui me l'ont offert. Un plaisir renouvelé
Pis y'a le plaisir de déballer le paquet en tirant doucement sur le noeud.... ;-))
OUPS!! plus que 3 jours pour me rattraper si je veux pas, une fois de plus, voir mon cadeau me passer sous le nez et ma collection de martinets s'agrandir!...
"Ze suis pas z'été tous les zours bien saaaage...mais z'en demande pardoooonnn!!!"
Bon m'en vais mettre mon slip sous le sapin... des fois qu'il serait bien rempli jeudi matin!!!
Certains ont même la dextérité suffisante pour ne pas mettre de ruban adhésif et retenir le papier avec le seul ruban...
Je ne prise pas particulièrement les pochettes toutes faites dont les plis se froissent facilement parce qu'elles ne sont pas à la bonne dimension.
Tiens, j'y pense, j'ai encore au moins trois paquets à faire pour Noël...
Glisser insensiblement, sans en avoir l'air, du plaisir de faire les paquets de Noël à celui de découvrir ses nouveausx manuels scolaires.... Tu prends des risques fous, là... On va t'accuser de maniaquerie, de frustration, de névrose, de que sais-je encore ?
(hummmm le plaisir de coller son nez dans le fond de la reliure d'un livre neuf pour en humer l'odeur d'imprimerie !! Ceux qui sentaient le meilleur, dans mon enfance, c'étaient les Picsou Magazines !!)
Quant à la névrose des manuels, m'en parle pas : à l'école primaire, à chaque fois qu'on nous distribuait un nouveau livre de lecture, je filais dans ma chambre me cacher pour le dévorer de A à Z, en une seule soirée... Après ça je passais six mois à m'emmerder pendant les scéances de lecture, à écouter les autres anonner en attendant mon tour, et en pensant à autre chose... par exemple au dernier numéro de Picsou que j'allais acheter (et renifler, et lire) en sortant de l'école...
Je SUIS maniaque, frustré, névrosé et encore plein d'autres choses. Mais si tu savais comme, la plupart du temps, je suis heureux de l'être! Ah! l'odeur des livres, de chaque livre!
Ce sont les plus belles reliures, Oceania, celles qui préservent aussi un souvenir.
Ne rêve pas, Piergil!
C'est comme les bonbons, Fabrice, ça colle parfois, parfois pas.
Les bonbons, ça colle au papier quand il fait chaud... en courant par exemple
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