Plus d'un mois pour lire un roman. Voilà qui est rare chez moi, même si le livre est épais. En fait, j'ai pris mon temps: je me sentais bien dans cette histoire racontée par Julian Barnes.
Première chose à dire: je n'aurais jamais acheté ce roman si j'avais fait attention à l'auteur. Pour avoir lu précédemment deux des ses ouvrages: Le Perroquet de Flaubert et Une Histoire du monde en dix chapitres, je sais que je n'apprécie guère sa façon d'écrire que je trouve particulièrement décousue et parfois ennuyeuse.
Cette fois-ci, c'est le thème qui a retenu toute mon attention: l'épisode de la vie de Arthur Conan Doyle, l'illustre créateur de Sherlock Holmes, où il se trouve confronté à une énorme injustice des tribunaux britanniques de par l'accusation injustifiée de George Edalji concernant la mutilation de chevaux dans la campagne anglaise. Je connaissais cette affaire et m'y intéressais grâce au travail d'écriture que j'ai depuis plusieurs années "infligé" à mes 5°: la rédaction d'une nouvelle policière à la manière de Conan Doyle. D'autre part, Conan Doyle et Jules Verne ont été les auteurs préférés de ma prime adolescence, avant de céder la place à Balzac ou d'autres écrivains plus "sérieux".
Dès les premières pages, je me suis senti bien, dans l'histoire, dans le style, dans le mode de vie de l'époque évoquée. Pour avoir souvent lu les aventures de Sherlock Holmes aux approches de Noël, ces nouvelles restent pour moi liées à cette période de l'année et à ma façon de l'appréhender (je veux dire l'apprécier) à ce moment-là de ma vie. Ainsi, en lisant Arthur et George ai-je un peu retrouvé de la magie de mon enfance finissante et des lumières de l'Avent.
Le roman ne se contente pas d'exposer ce procès et cette condamnation. Il reprend la vie des deux "héros" depuis le début, un chapitre pour Arthur, un chapitre pour George, jusqu'à ce que, comme chez Lelouch au cinéma, leurs destinées se rencontrent.
Le style est fluide, les caractères et les personnes bien définis, le découpage suffisamment bien fait pour que l'on ne s'égare pas dans le changement ni ne se lasse dans l'insistance.
J'ai terminé ces 600 pages après ma sieste de début d'après-midi, en ressentant ce que je n'ai pas ressenti depuis longtemps pour un livre: l'impression, en le refermant, de quitter un ami, un compagnon agréable que je ne retrouverai pas. Très bon sentiment donc face à ces pages, même si les dernières, narrant une rencontre de spiritisme à Londres peu après la mort de Conan Doyle, m'ont semblées inutiles et passablement ridicules.
En extrait, une petite scène coquine, ...pour l'époque.
Assis là au bord du sofa, il veut se concentrer sur son visage, ses paroles (...) mais tout cela est chassé par la conscience d'avoir la plus formidable trique de toute sa vie. Ce n'est pas la bienséante tumescence d'un chevalier au cœur pur, c'est une présence qui s'impose dans toute sa vigueur palpitante, quelque chose de canaille, de trivial, quelque chose qui mérite ce vocable de "trique" qu'il n'a jamais prononcé lui-même mais qui lui vient avec insistance à l'esprit. Sa seule autre pensée est associée au soulagement d'avoir un pantalon ample. (...) N'étant point un frivole séducteur, mais un homme honorable et corpulent de près de quarante ans se penchant gauchement sur un sofa, il essaie de ne penser qu'à l'amour le plus chevaleresque, tandis que les lèvres de Jean ( note de mon fait: il s'agit d'une jeune fille) se tendent vers sa moustache et cherchent maladroitement la bouche dessous. Tenant toujours, mais serrant maintenant de plus en plus fort la main qu'il a prise dès qu'il est arrivé, il prend conscience d'un vaste et violent épanchement dans son caleçon. Et le grognement qu'il émet est presque certainement interprété de travers par miss Jean Leckie, ainsi que la façon dont il se rejette brusquement en arrière, comme si une sagaie venait de le frapper entre les omoplates.
(Trad. de Jean-Pierre Aoustin.)
samedi 13 décembre 2008
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2 commentaires:
Chouette, un espace commentaire complètement vierge : je l'occupe ! (N'y vois là aucun phantasme de ma part...)
Tes impressions par rapport à un livre que tu aimes m'ont fait penser à certaines lignes écrites par Marie Cardinal, dans lesquelles je me retrouvais un peu aussi. J'ai hélas perdu la citation exacte, mais elle expliquait de certains des livres qui ont brûlé comme des "feux de joie" dans les nuits de sa jeunesse, qu'elle aurait voulu qu'ils durent éternellement, afin qu'elle puisse rester "à l'abri de leurs pages, de leur beauté, de leur force"...
A l'abri de leurs pages: c'est beau!
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