Il venait d'acheter un gâteau pour manger entre amis, le lendemain. Il avait trouvé ce qu'il voulait, un bon Saint-Honoré comme sa grand-mère en apportait autrefois quand elle venait rendre visite à la famille, en hommage à son grand-père défunt qui portait ce prénom un peu désuet aujourd'hui. Il le tenait bien droit, d'une seule main pourtant parce que l'autre était occupée avec la cigarette qu'il avait allumée en sortant de la pâtisserie. Le temps s'était rafraîchi mais on pouvait encore circuler en chemise. Les petits frissons de temps en temps, il aimait ça. Une façon comme une autre de se sentir encore vivant, par la communion au monde.
Le soir, il avait un autre repas. Il savait qu'il allait bien manger et bien boire, comme à chaque fois chez celui qui l'invitait. Il avait failli ne pas la voir, tant elle était tassée à la bouche de métro, assise sur la dernière marche, avec sa volonté d'occuper un poste stratégique et cette autre volonté de passer inaperçue, de ne faire qu'un avec le béton qui l'entourait. Une femme de petite soixantaine, une mère de famille oubliée, proprement mise, dont le vent naissant soulevait les mèches de cheveux qu'elle essayait vainement de remettre en place. Devant elle, un petit gobelet de plastique blanc, qu'elle maintenait d'un doigt pour éviter qu'il ne s'envole.
Pas le type de mendiante habituelle, pas de celles qui ressemblent à des mendiantes. Elle n'avait pas dit un mot lorsqu'il était passé, pas de bonjour, rien à demander. Elle était nouvelle, pas encore habituée au trottoir, mal à l'aise dans son rôle improvisé. On donnait si l'on voulait. Il ne donna pas. Son pas avait été trop rapide et il n'avait pas eu le courage de faire marche arrière pour faire résonner deux pièces dans le piètre réceptacle. Mais, en rentrant chez lui, il n'avait soudain plus envie de manger.
samedi 12 mai 2012
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5 commentaires:
C'est toujours comme ça, on n'a jamais envie de revenir en arrière, ni d'entendre le bruit des pièces dans le gobelet. Des fois aussi on change de trottoir, en regardant ailleurs.
On n'est pas terribles...
Une fois, j'en ai vu une dans le genre en gare de Lille. Elle demandait 50 centimes ou un euro pour compléter le prix d'achat d'un billet de train. Elle a complété plusieurs fois. Une dame en réalité très digne, mais qui mentait. Comment lui en vouloir ?
La Plume: on n'a surtout pas envie de croiser certains regards. Je suis d'accord avec toi: on n'est pas terribles!
Cornus: Celle-ci ne demandait rien, en tout cas oralement. Souvent, j'ai l'impression que c'est nous qui nous mentons à nous-mêmes.
Je ne pense pas me mentir à moi-même trop souvent, même si je ne suis probablement pas immunisé.
Cornus: je ne parlais pas de toi, bien sûr, mais de la société en général.
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