Des mots. Peu. Ou alors toujours les mêmes: "Tu as bien dormi ?", " As-tu fait un tour au parc avec Jacqueline?" "Qu'est-ce que tu as mangé à midi?". Parfois, elle ne comprend pas. On répète et puis on abandonne. Parfois, elle répond. elle essaie, et puis une autre idée passe, qui était bloquée depuis quand dans son cerveau, et qui vient éclore à ce moment, où elle n'a rien à faire. "Oui, oui.' On essaie de suivre la nouvelle direction mais la parole s'embrouille, un mot pour un autre, un borborygme pour un mot. Alors, elle revient à ceux qu'elle connaît, qui ne la trahissent pas. "Donne-moi à boire.". Et la main essaie de tenir le verre à moitié rempli par précaution. J'attends qu'elle demande la serviette. Encore quelques mots sauvés. Pour combien de temps? Son regard se perd dans la télévision où l'on pose des questions stupides qu'elle n'entend pas. Des éclairs aussi, par intermittence, certains jours. Un souvenir d'il y a longtemps, un nom d'amie d'enfance, une photo sur le mur au-dessous du buis béni. "Ton père, tu y penses parfois?"
D'autres fois, la tyrannie, les ordres crépitants, pas de merci, l'impératif craché entre les chicots de sa bouche, la méchanceté pure, car elle s'est encore faire mal. La haine de son état lui fait haïr les autres. Elle reprend vie alors, son corps tremble, elle essaie de s'enfuir du fauteuil qui l'emprisonne, ses yeux sont des couteaux, elle oublie qu'elle n'est plus qu'un misérable corps que l'on parvient parfois à faire marcher du fauteuil à la porte et de la porte au lit. Elle souffle, elle étouffe et puis elle renonce. "Donne-moi à boire."
mardi 22 mai 2012
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6 commentaires:
si je puis me permettre, es-tu sûr de ceci :"La haine de son état lui fait haïr les autres." ?
On ne peut pas le dire mieux. C'est exactment cela. Les jutes mts.Une fois par semaine. Comme un devoir. Mais pourquoi? Et surtout pourquoi ne pas pouvoir lui dire tout le mal qu'elle m'a fait? Préparer les mots, puis arrivé dans sa chambre: rien.
Je ne t'envie pas. Courage.
C'est dur, pour toi et ta sœur.
Les mots sont-ils plus durs que les pensées?
Comme dit Cornus car je suis un peu démunie, et peu claire sur le sujet.
Karagar: je comprendrais qu'il en soit ainsi.
Didier: écho...
Cornus: nous sommes nombreux à vivre ces instants.
Jérôme: les mots sont aussi là pour endurcir parfois.
La plume: c'est tout le bonheur que je te souhaite.
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