Même si ma retraite ne date que de septembre 2013, cela va bientôt faire deux ans, en ce mois de juin, que j'ai donné mon dernier cours devant une classe. Je n'en reviens pas : deux ans qui ont filé à une allure vertigineuse...
Ma première surprise avait été la rapidité avec laquelle j'avais tourné la page. Moi qui m'étais beaucoup investi dans mon travail et dans ses à-côtés (six ans au conseil d'administration, par exemple, et dans une période particulièrement difficile pour cette instance), du jour au lendemain, je n'y ai plus pensé. J'aurais cru qu'il me manquerait bien davantage.
La deuxième avait été de constater que, même libre de mon emploi du temps, j'avais gardé longtemps l'habitude de faire les choses vite, comme pendant ma période d'activité. C'est sur la tombe de Pierre, je m'en souviens, que j'avais pris conscience de cela, en arrachant à tout allure les herbes qui y avaient poussé, alors que rien ne me pressait.
Une autre avait été de voir comment la question que je me répétais sans cesse auparavant : "Que vais-je faire de mes journées ?", était inutile. Aujourd'hui, j'en suis presque à penser l'inverse. J'ai l'impression de ne rien faire et pourtant mes jours ne sont pas assez longs. Heureusement que j'y ai adjoint une partie de mes nuits !
Car c'est peut-être cela qui me réjouit le plus dans la retraite : pour la première fois de ma vie, vivre à mon rythme. Me coucher quand bon me semble, me lever de même, sans mauvaise conscience, sans penser à l'opinion de mes voisins (ma vieille mamie est toujours surprise que je n'ai pas du tout les mêmes horaires qu'elle !).
On m'avait aussi dit : il faut préparer sa retraite. C'est faux. Être conscient bien sûr que les choses vont changer, qu'il y aura, une fois les jours de quasi euphorie passés, des aménagements à prévoir. Mais ne pas chercher à combler le manque par une accumulation d'activités dont la plupart, parce que choisies uniquement pour boucher les trous, s'avéreront bientôt encombrantes. Et d'ailleurs, préparer, c'est anticiper ses réactions. Or qui est capable de prévoir ces réactions ? Pas moi, en tout cas.
Je fréquente des gens actifs, et, bien que socialement non actif, je ne me sens pas inutile, à l'instar d'autres retraités que je connais et qui, eux aussi, font ce qui leur plaît. Et puis, qu'il est doux d'avoir le temps, pour soi, pour approfondir sa connaissance des autres, que l'on fréquentait déjà, que l'on a rencontrés nouvellement. Sur ce blog, un de mes libellés a été depuis le début "Des riens". Ce sont ces riens que je continue à cultiver, dans ce que j'écris, dans ce que je photographie, dans ce que je perçois des autres et qu'autrefois, j'avais tout juste le temps de remarquer.
vendredi 12 juin 2015
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4 commentaires:
Le "je ne sais quoi" et le "presque rien" !
Mon père n'a pas eu d'autre choix que de partir en "pré-retraite" à 55 ans. Il n'avait même pas le droit de reprendre une éventuelle activité. Il a perdu sur le montant de sa retraite amputée par ces 5 ans. Il a vécu une carrière en usine assez pénible : froid, chaleur excessive, bruit infernal, à l'occasion de l'amiante (lui assez peu, mais d'autres collègues si), exposition à des tas d'objets dangereux et sans protections. Bref, une sorte de violence que l'on peine à imaginer (je parle pour avoir vu l'usine monstrueuse fonctionner dont on se demande même comment il n'y avait pas plus d'accidents - car il y en avait, y compris des mortels). Bref un autre temps qui s'était quand même prolongé jusqu'au début des années 1990. Mon père a revécu le jour où il n'est plus allé travailler. Pour supporter la douleur au travail, il était obligé de prendre des antalgiques en permanence pour sa cheville. Du jour où il a arrêté le travail, il n'en a pratiquement plus eu besoin. Donc, la retraite a été une libération. Dès lors, il s'est mis à cultiver deux jardins potagers (au lieu d'un seul) distants de 220 km et à partir souvent et longtemps dans la maison éduenne, améliorée en grande partie par ses soins pour l'occasion (j'ai bien participée aussi).
Ma mère est partie pile à 60 ans. Il était temps pour elle car les conditions de travail n'étaient pas géniales et une partie du personnel sous-qualifié, ce qui nécessitait de contrôler des choses qui auraient dû couler de source.
Je sais que ce que je dis là est un peu hors sujet, mais j'estime pour ma part que lorsqu'on est encore en activités, il ne sert à rien de faire toute une histoire de la retraite, car les choses se font naturellement dans la majorité des cas. Ce qui m'énerve en revanche, ce sont ceux qui ne peuvent pas s'arrêter car ils se croient tellement indispensables. D'autres n'ont pas le choix que de continuer faute d'argent ou au contraire de s'arrêter faute de santé ou parce qu'on les met à la porte.
Mais en ce qui te concerne, j'en conclus que dans l'ensemble, cela se passe plutôt bien. Et puis rien faire, c'est déjà quelque chose. Il faut en profiter.
J'aime beaucoup ce que dit Cornus. Aujourd'hui il y a encore hélas beaucoup trop de salariés qui partent en retraite complètement "cassés" par le travail. Les salariés qui ont les plus dures foncions, les ouvriers et les ouvrières. Il est à la mode d'évoquer les risques psychosociaux (parfois très réels), de les mettre en avant pour mieux masquer les risques physiques au travail, les plus fréquents et de loin. Et Macron veut supprimer la médecine du travail, mesure d'allègement administratif (!) pour que les patrons se sentent moins insécurisés dans la gouvernance de leurs entreprises ?!
Chroum : c'est bien là tout un art. Je crois que tu seras d'accord avec moi.
Cornus et Chroum : vos commentaires m'ont inspiré le billet qui suit. Un petit aperçu des conditions de vie d'une autre époque, pas si éloignée pourtant.
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