mardi 23 juin 2015

Mur

Au restaurant, à l'anniversaire où j'étais convié, il y avait, à la table voisine, un homme d'un certain âge, isolé en bout de table. Ce sont ses gestes désordonnés et ses grimaces incontrôlées qui ont attiré mon attention. Sans doute était-il atteint de la maladie de Parkinson. On ne s'occupait guère de lui, les autres riaient ensemble, lui riait parfois, à contre-temps. Et j'ai reçu en pleine poitrine le souvenir de ma mère, le dimanche, à la sieste.

Nous l'installions dans un fauteuil près de la fenêtre. Ma sœur s'isolait dans sa chambre et moi, je restais avec elle, dormant parfois sur mon roman dans le vieux voltaire de ma grand-mère, faisant souvent semblant pour prolonger ce moment de calme (quand calme nous pouvions obtenir). Certains dimanches, elle n'appelait pas en se réveillant. Je l'entendais respirer fort, se tordre sur le coussinet, pencher la tête vers la vitre, avec les mêmes grimaces que l'homme du restaurant.

Depuis, je pense souvent à elle, par bouffées, alors que je ne m'y attends pas. J'ai essayé de comprendre. Lorsque je pense à elle, je la revois toujours malade et torturée. Autant je me souviens de la lente dégradation de mon père, de sa chute progressive vers l'irrémédiable, autant pour elle, j'ai l'impression d'être devant un mur infranchissable. C'est comme si elle avait toujours été malade, qu'il n'y avait jamais eu d'avant, où elle était drôle et dynamique. Je ne sais pas pourquoi.

Est-ce l'approche des dix ans de la mort de Pierre qui, inconsciemment, me perturbe, qui fait que je ne cesse de penser à tous ces morts que j'ai vu partir ces dernières années ? Je ne suis pas triste, simplement un peu lourd. Pour me libérer l'esprit, je connais la solution : enfiler mes chaussures de course et m'y mettre, mais cette fois-ci sérieusement.

2 commentaires:

CHROUM-BADABAN a dit…

Oui vas-y ! Mais doucement...
C'est ce que je fais depuis deux mois, ça lave le corps, le cerveau !
Et ça ne fait pas trop de mal !
Enfin presque pas trop de mal.
Et il fait beau !
Et il y a du vent !

Calyste a dit…

Chroum : je devais le faire aujourdhui, et puis j'ai encore reporté.