Il y a vingt ans aujourd'hui ou demain, je n'ai pas retenu la date exacte, je déménageais à mon adresse actuelle. J'avais un peu forcé la main à Pierre pour que nous abandonnions l'appartement superbe que nous avions auparavant dans un immeuble ultra-bourgeois mais dont la progression des loyers dépassait de loin celle de nos salaires respectifs, pour acheter celui-ci, dans un quartier plus populaire mais très bien situé question commerces et proximité du centre.
Je n'ai, de ma vie, jamais habité aussi longtemps le même appartement. Et, vus les travaux engagés récemment, il y a des chances pour que ça dure encore un petit moment. Un bilan de ces vingt ans? J'ai un peu perdu l'habitude de ce genre d'exercices que je pratiquais régulièrement dans mon jeune âge, tellement régulièrement que c'en était aussi ridicule qu'un Justin Bieber publiant son autobiographie alors qu'il a à peine quelques poils au menton.
Des souvenirs, plutôt: les bons moments passés avec un ami, perdu de vue depuis, quand nous posions les papiers peints et qu'il me donnait du "Patron" ou du " Monsieur Bensoussan" alors que je l'appelais "Ali". Toutes les plantes, transportées sur le plateau de sa Méhari, la voiture en plastique, comme disait ma grand-mère qui y est tout de même montée, elle qui n'avait peur de pas grand chose. La première soirée avec les pompiers et Kicou, à chanter des paillardes, des chants républicains et des cantiques afin de ne pas être repérés tout de suite. Les années galère, deux ans plus tard, avec la dépression, l'alcoolisme et la maladie de Pierre. Sa découverte, un matin, dans la cuisine, devant le réfrigérateur, tombé parce que la saloperie avait déjà atteint le cerveau. Les dimanches d'aplasie, à prier tous les dieux pour qu'il tienne jusqu'au lendemain. Et puis la joie, les fêtes, les vieux de l'immeuble, dont Renée qui est devenue une vraie amie. La mort, l'hiver sans chauffage, seul au milieu d'un capharnaüm après le vidage de la maison de campagne. La remontée, malgré le carnet de téléphone où de nombreuses lignes auraient pu être effacées. Le chez moi (plus chez nous) que c'est devenu grâce à d'autres lignes sur ce carnet, qui se sont rajoutées alors que je n'y croyais plus.
Voilà les vingt années, au cours desquelles je suis passé de presque quarante ans à presque soixante, au cours desquelles j'ai continué à vivre, à lire, à aimer, au cours desquelles j'ai appris ce que certains, plus savants que moi et sans doute moins impliqués, appellent la résilience, au cours desquelles j'ai accepté de "lâcher prise" comme un chien qui abandonne son os trop rongé parce qu'il finit par comprendre qu'il en aura d'autres à ronger.
Ce soir, un soir de dimanche comme j'ai fini par ne plus les exécrer, je suis là, devant mon écran, à écrire des conneries, tout ça parce que ça fait vingt ans que j'ai la même adresse. Quel intérêt? Aucun, certes, mais pour moi, si.
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8 commentaires:
C'est jamais des conneries quand ça fait du bien !
La Plume: ce mois-ci, je me suis vraiment fait du bien! 70 billets. Un record depuis que je tiens ce blog, je crois.
Mon record de billet est dans l'autre sens depuis quelques temps. Nous sommes nous aussi depuis fort longtemps dans notre appartement, depuis 88 exactement mais nous sommes locataires, mais c'est fou comme de remettre au propre un appartement fait du bien.
Même réacation que Laplume. J'ajoute que je suis ravi de te savoir là où tu en es actuellement.
J'aime beaucoup ce post, à croire que j'aime beaucoup les conneries...
Valérie: et je te l'ai dit, tu nous manque!
Cornus: depuis que tu as écrit ce commentaire, j'en suis encore plus loin! :-)
Georges: attends-toi à e, lire d'autres, alors!
Oui, ce sont des conneries que j'ai aussi beaucoup tendance à aimer.
Curieux comme lorsqu'on croit connaître un blogueur, on démarre la lecture d'un de ses billets en pensant deviner ce qui va suivre, et puis comme on peut être surpris, par des détails, semés au détour de deux ou trois phrases, pour finir par être complètement saisi en arrivant à la fin du billet.
Lancelot: merci. J'espère te surprendre encore.
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