Charlus a écrit dernièrement un billet sur Lucien Rebatet et sa fameuse Histoire de la Musique des origines à nos jours , billet qui a fait réagir puisque Rebatet est également connu pour son antisémitisme forcené.
Je comprends ces réactions mais ne les fais pas miennes. L'œuvre artistique laissée par un homme est-elle à juger en fonction de ses agissements dans sa vie privée ou publique? Pour ma part, si je n'ai jamais pu lire les grands romans de Louis-Ferdinand Céline (Voyage au bout de la nuit ou Mort à crédit), ce n'est pas à cause des idées et du positionnement de l'auteur ( hélas trop évidents dans ses Pamphlets) mais parce que le style de cet écrivain ne me convient pas, je n'accroche pas à sa phrase.
En revanche, j'ai dû découvrir seul, sans que l'on ne m'en ait jamais dit un seul mot à l'université, certaines des oeuvres de Brazillac, par exemple Comme le temps passe, ou de Drieu la Rochelle, en particulier son Gilles. J'estime, après les avoir lus, que leurs auteurs méritent plus que l'indifférence, voire le mépris, que généralement on leur accorde.
Gilles, de Drieu la Rochelle, est, à mon avis, un pur chef-d'œuvre. Or qui le lit actuellement? Qui connaît cet auteur et ce roman? Je doute que les ventes en explosent! Alors que j'étais en Allemagne, il y a de cela bien longtemps, un ami de Stuttgart, d'à peine quelques années plus âgé que moi (donc né après-guerre) m'avait "avoué", tout gêné, qu'il avait fait son mémoire de maîtrise sur Drieu. Où va se nicher le sentiment de culpabilité? D'autant que cet ami était né en Allemagne de l'est et que sa famille s'était, après la deuxième guerre mondiale, installée à l'ouest. Loin de lui donc la responsabilité du régime nazi dont, bien évidemment, il ne partageait pas les idées.
Dans mes lectures, comme aussi dans mes goûts pour la musique ou n'importe quel art, je me suis toujours senti libre, et revendique encore aujourd'hui de l'être. Une œuvre,une fois publique, échappe à son auteur, quelque saint ou salop qu'il ait pu être, et la condamnation unanime n'infère pas sur mes critères de choix. Est-il besoin de préciser que, comme Charlus, je n'ai jamais adhéré à aucune idéologie extrême, de quelque bord qu'elle soit?
samedi 21 mai 2011
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6 commentaires:
Il n'en reste pas moins que lorsqu'on connaît l'homme ou la femme et qu'il ou elle me rebute, j'ai du mal à aller admirer ou lire son oeuvre. Mais à l'inverse, quand l'oeuvre a plu sans en connaître l'auteur, je ne vois pas pourquoi on se raviserait.
Mais d'un autre côté, avec le raisonnement inverse, quand on aime bien l'auteur, on peut aussi faire un effort pour aimer l'oeuvre et parfois ça marche.
Cornus: assez d'accord avec toi. Je connais un bon nombre d'écrivains français contemporains que je n'ai pas, mais vraiment pas, envie d'aller lire après les avoir vus à la télévision. Christine Angot, par exemple!
Mais tu me connais: parfois, la curiosité l'emporte!
Calyste, et qu'en as tu pensé? De Christine Angot?
De mon côté j'ai une curiosité pour Houellebecq (tiens, voilà un exemple de livre à emprunter après les exams!) Bien que j'imagine que ça ne va pas me plaire au moins, mon jugement sera moins arbitraire.
Georges: je n'ai jamais rien lu de Angot, l'agressivité de cette femme me rebute, peut-être bêtement. Quant à Houellebecq, j'y ai pensé et puis j'ai oublié... Mais c'est vrai que, parfois, on passe à côté de bons moments par simple parti pris sans fondement.
Quand j'ai appris que Barjavel, dont je raffole, avait été accusé de sympathies "collaborationnistes" pendant la gueure, je suis tombé de 18 étages... Je n'ai jamais eu le courage d'aller vérifier dans le détail... Mais une fois le premier choc avalé, j'ai à peu près tenu le même raisonnement que toi. Ceci dit, la question que pose Cornus est hyperintéressante. Et si j'avais su AVANT ? J'aurais eu, en tout cas, un premier mouvement de recul. Et je me serais peut-être privé de beaucoup de plaisirs par la suite.
Lancelot: si l'on savait avant! Et pas seulement en littérature!
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