samedi 21 mai 2011

Histoire d'eau

J'ai toujours eu une sainte horreur des piscines. J'ai l'impression, bêtement sans doute, de patauger dans la crasse des autres. Globalement, d'ailleurs, je n'aime pas l'eau, bien que d'un signe d'eau, en dehors de ma douche, et je sais pourquoi. Mais la piscine, c'est encore pire. La seule fois que j'y suis allé à Lyon, j'ai attrapé une belle verrue plantaire que j'ai, encore une fois bêtement, gardée jusqu'à ne plus pouvoir marcher. Je n'aime pas l'odeur de la crème solaire, je n'aime pas l'odeur de chlore que l'on sent jusque dans les vestiaires, je n'aime pas les jeux aquatiques, je n'aime pas l'aspect "m'as-tu vu?", encore moins le "on est là pour s'éclater!", je n'aime pas la foule, je n'aime pas les maillots de bain et encore moins les bonnets.

La seule fois où je n'ai pas été pris d'une angoisse en m'approchant de l'élément liquide, c'est en Corse, où je suis allé pendant plusieurs années, l'été. Avec François, nous prenions la voiture puis des chemins escarpés pour rejoindre quelque petite crique qu'il connaissait, un endroit désert à l'époque, où nous nous baignions nus pendant de longues heures. La beauté du site n'était sans doute pas pour rien dans l'affaire. Mais même là, je ne nageais que parallèlement au rivage, par peur de ne plus avoir pied ou de les poser, ces pieds, sur quelque matière inconnue et grouillante.

Le soir où ma sœur est morte hydrocutée, dans le Languedoc, j'ai jeté contre la mer un galet pour la punir. Depuis, elle est toujours mon ennemie. J'avais dix-huit ans, j'en ai aujourd'hui cinquante-huit. Nous ne nous sommes jamais vraiment réconciliés. Elle me fait toujours peur.

13 commentaires:

Olivier Autissier a dit…

Très beau texte.

Georges a dit…

très émouvant.

Cornus a dit…

Diable, je me suis posé la question : suis-je en train de perdre la mémoire en lisant cette note ? Et puis non, je ne crois pas avoir lu chez toi une quelconque évocation du décès de ta soeur, mais un récit un peu analogue de noyade mortelle était en ma mémoire. Et sauf erreur, c'était une ancienne blogueuse qui commentait parfois chez moi il y a plusieurs années à qui il était arrivé un drame un peu analogue dans sa famille proche.

J'ai eu un temps peur de l'eau quand j'étais gamin (et j'ai été traumatisé aussi par un pauvre con de maître nageur), mais j'ai réussi à m'y faire. J'ai même passé mon brevet élémentaire de plongée en 1993...
Quand je décide de me baigner, je n'ai pas la moindre appréhension même si je n'irai pas me baigner n'importe où.

Quant à la piscine, longtemps j'ai eu une appréhension, qui me rappelait les mauvaises expériences avec le pauvre crétin de maître nageur. Mais il est vrai que l'odeur de chlore est assez terrible, mais j'avais fini par m'y faire quand je faisais de l'entraînement pour la plongée, jusqu'à deux soirs par semaine (20-22 heures). En revanche, le côté agressif du chlore n'a pas été étranger à plusieurs conjonctivites dont une assez grave.

En tout cas, cela fait froid dans le dos. Reçois mes bises dominicales.

Anna F. a dit…

Je me souviens parfaitement de ce billet. De ta détresse. Parfois j'y pense. Ce qui m'avait aussi frappée, c'était l'allusion à l'un des baigneurs. Eros et Thanatos. Anna.

laplume a dit…

Et bien moi non plus je n'avais pa dû lire ce post où tu parles de l'accident de ta soeur et du coup je me suis sentie plus que bête en lisant celui-ci et en pensant à mes propres déclarations d'amour à la mer. Je ne pourrais pas vivre sans elle. Mais je sais la considérer aussi comme une ennemie cruelle et je m'en méfie toujours.
Quant aux piscines, je partage tout à fait ton opinion. Je déteste ! J'ai dû y aller quelques temps dans le cadre de mon boulot avec des handicapés et j'essayais finement de m'occuper d'une autre équipe ce jour-là. J'en ai quand même ramené des verrues plantaires, évidemment.

Calyste a dit…

Olivier et Georges: merci. En fait, au départ, je ne voulais parler que des piscines mais tout revient, un fil après l'autre.

Cornus: je pensais moi aussi n'en avoir jamais dit un mot ici. Et c'est Anna qui a raison: il y a bien eu un billet,mais je suis incapable de te dire à quelle époque.

Anna: c'est vrai. C'était sans doute dans les débuts de ce blog, à une époque où j'avais besoin d'extérioriser tout le noir qui me pesait. Et je me souviens, grâce à toi, d'avoir parlé de ce beau jeune homme qui était là, près de ma sœur et dont, malgré ma souffrance, j'avais remarqué la beauté.

La plume: mais j'aime tes billets et tes photos sur la mer. Dans l'absolu, je l'aime, cette mer. C'est quand j'en suis près d'elle que cela se détraque. J'arrive maintenant à me raisonner mais le rapport profond n'est jamais serein.

laplume a dit…

Merci Calyste.

Calyste a dit…

La Plume: Mer? Si!

Valérie de Haute Savoie a dit…

Nous avons cela en commun me suis-je dit hier en lisant ton commentaire chez moi, avoir perdu un frère, une soeur...

J'aime l'eau, follement, me baigner dans la mer,me sentir seule au monde loin de tout. Les piscines moins, parce qu'il n'y a pas la faune et la flore, que je n'aime pas les cris et la foule.

Dominique Hasselmann a dit…

La mer en Corse, et la Corse en mer : rien à voir avec une piscine évidemment et quelle dimension !

Souvenir remonté à la surface, évocation finale et fatale qui rebondit comme richochet sur l'eau.

Calyste a dit…

Valérie: oui, triste partage.

Dominique: il faut bien rebondir, même lorsqu'on ne se sent pas tout à fait lisse.

Lancelot a dit…

Et dire que je t'ai imposé ce supplice-là... et que j'aurais cherché à te le réimposer si les circonstances avaient fait que...

Bon.

Calyste a dit…

Lancelot: mais il m'arrive de me baigner, Lancelot! Il suffit que je sois en confiance. D'ailleurs, rappelle-toi, je n'ai pas nagé dans la tienne, j'ai juste fait trempette!