lundi 26 novembre 2018

Et pourquoi pas la peinture ? (31)

Michelangelo Merisi da Caravaggio, Saint John the Baptist (Youth with a Ram) (c. 1602, WGA04111).jpg

Le jeune saint Jean-Baptiste au bélier. Caravage (1602) (Musées du Capitole, Rome).

Lorsque, l'autre jour, j'évoquais cette amie croate qui, à Perugia, m'avait dit que je ressemblais de visage à un saint Jean-Baptiste dont elle m'avait apporté la reproduction, ce n'était évidemment pas de celui-ci qu'elle parlait, plutôt de celui d'une représentation plus "académique", le saint Jean-Baptiste que l'on connaît davantage, plus âgé et d'allure famélique.

Celui-ci, vu au Capitole, m'a toujours interrogé. Je ne peux passer devant une œuvre du Caravage sans m'y arrêter longuement, en général fasciné par ce que je vois. Caravage a, il me semble me souvenir, peint sept toiles sur ce thème, dont la plupart représentant le saint jeune. Et toujours, ces peintures, loin d'évoquer la Bible et les souffrances du cousin du Christ, dégagent plutôt une sorte de lascivité et d'érotisme. Au contraire, le bélier est le plus souvent associé au stupre et à la fornication (mais Caravage aurait pu prétendre qu'il faisait là un pont entre les deux Testaments avec l'évocation du sacrifice d'Abraham)

En fait, rien ne permet de reconnaître saint Jean-Baptiste. Aucun des attributs qui, habituellement, l'accompagnent, n'est présent ici : pas de tunique en poils de chameau, pas de croix de roseau et surtout pas d'agneau symbolique. Bien sûr, il est seul, assis dans la nature, mais cette nature, avec la plante verte au premier plan, ne semble guère être désertique comme il était de coutume de la représenter. On voit bien un morceau de tunique en poils, sur lequel il est mi-assis mi-allongé, mais rien d'ascétique, plutôt un doux coussin  pour son postérieur.

Et si la pose reprend celle d'un des ignudi (nus) de Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine (groupe de la Sibylle d’Érythrée), c'est plus pour se moquer de la position improbable de l'athlète de la Sixtine que pour rendre hommage à Buonarotti. Si le personnage de Michel-Ange est hiératique, imposant et grave, celui de Caravage est gracieux et adopte une attitude beaucoup plus" naturelle".

Et que penser du sourire narquois et aguicheur du jeune homme de Caravage qui, on le pense, a eu comme modèle un adolescent de l'entourage de Caravage, Cecco, que l'on retrouve dans d'autres toiles (Bacchus, La Vocation de saint Matthieu) ? Et que dire du drap blanc froissé dans le dos du jeune homme qui rappelle bien davantage une scène d’alcôve qu'un élément de peinture sacrée ? 

Toutes ses interrogations sont bien sûr aujourd'hui sans réponse mais c'est justement un des aspects me plaît le plus chez Caravage : son ambiguïté !

4 commentaires:

CHROUM-BADABAN a dit…

Pour mon compte, on m'a dit cent fois que je ressemblais à St Sébastien, mais aujourd'hui, on me le dit de moins en moins souvent !
A part ça, je ne sais plus où tu évoquais Philae, mais imagine Philae découvrant un volume des Essais de Montaigne sur la comète Tchourioumov ?!

plumequivole a dit…

Tiens, aujourd'hui j'ai mis mon Caravage dans un carton. Livre seulement, hélas, pas tableau! Et St Jean-Baptiste en couverture.

Cornus a dit…

Oui, très connu, inconfortablement installé et cependant très souriant !

Calyste a dit…

Chroum : rassure-toi, moi aussi il y a longtemps que l'on ne me le dit plus. Un volume de Montaigne là-haut, là ça m'intéresserait bigrement.

Plume : celui de Dominique Fernandez ? (La Course à l’abîme)

Cornus : c'est pour ça que c'est un saint !