Paestum, colonie romaine, s'appelait d'abord Poseidonia et était une colonie grecque datant de 600 avant J-C. Cette partie de la Campanie s'appelle d'ailleurs la Grande Grèce. C'est sans doute un des plus beaux sites antiques que je connaisse avec ceux de Sicile.
Quand on arrive dans ce bout du monde, on est immédiatement fasciné par les trois temples (Héra, Poséidon, Athena) alignés dans des pâtures où somnolent des bufflonnes dont le lait servira à la fabrication de l'authentique mozzarelle. Peu d'aménagements modernes, peu de touristes le jour où j'y suis allé avec mes élèves. J'aurais entendu le son de la lyre, je n'en aurais pas davantage été surpris.
L'immense musée consacré aux découvertes faites sur le site depuis le XVIII° siècle regorge d'objets funéraires, de fresques grecques et de fresques lucaniennes (420-350 av. J-C). La tombe dite "du plongeur" a été découverte seulement en 1968 dans une petite nécropole proche de Paestum. Elle daterait de 480-470 av. J-C.
Les quatre côtés de la tombe (la seule peinte de cette époque à nous être parvenue dans son intégralité) représentent des scènes de banquets, de libation et de cortège. Mais, pour moi, le choc vint de la fresque du couvercle, celle qui donna son nom à la tombe. Elle met en scène un jeune homme nu plongeant dans des flots à la surface convexe. Tout est beau dans cette peinture : le trait simple, l'ocre des teintes, le décor réduit à l'essentiel.
Beaucoup d'interprétations en ont été données. On s'accorde généralement à dire que cette fresque située face au visage du mort symboliserait le passage du monde des vivants au monde des morts (et peut-être, en plus, la valeur athlétique du défunt). Les deux mondes sont séparés par les trois colonnes de droite. Chacune d'elles comportent sept tambours, comme les deux arbres comptent sept branches. Sept, symbole de la régénération. L'arbre de droite a une de ses branches cassée, du côté de l'au-delà. L'homme fait le grand saut dans l'inconnu. Cette représentation d'un plongeur est assez rare, contrairement aux scènes de banquets. On la retrouve dans une tombe de la nécropole de Monterozzi, en Étrurie (Toscane). Ce serait donc une peinture grecque inspirée de l'art étrusque.
Mais, au delà de tous ces symboles, que l'on peut oublier, ce qui est sublime, c'est la façon dont l'artiste grec a traité son sujet.
6 commentaires:
Oui, c'est splendide. De sorte qu'on a presque l'impression que rien n'est vraiment nouveau dans l'art, beaucoup de choses ont déjà été "inventées" il y a bien longtemps.
Cornus : je me suis souvent fait cette réflexion devant des bijoux antiques.
Pascal Quignard, dans Le sexe et l'effroi, commente cette scène, p228 de l'édition Folio. Pour lui, elle illustre le mythe d'Achille qui préfère une vie courte et glorieuse : le défunt aurait, d'après lui, fait le même choix... Une chose est sûre, c'est que la beauté de cette peinture a assuré l'immortalité à l'artiste, ou du moins à son œuvre...
Qu'anonyme
Qu'anonyme : je ne connais ni ce livre ni cette interprétation (Quignard, oui). Mais elle est plausible, après tout. Ce qui est certain, c'est la beauté de cette fresque. Y étiez-vous allés avec Miss L. ?
Oui, nous étions allés en Grande Grèce, un jour un peu gris. C'était un peu austère, et très beau, mais je ne me souviens pas si nous avons vu en vrai l'éternel plongeur dans la solitude de l'Eternité. J'avais rapporté tant de docu de ce premier voyage à l'étranger (pourtant les valises n'avaient pas encore de roulettes)que je ne sais plus si c'est la reproduction ou l'œuvre elle-même que j'ai vue !
Le livre de Quignard, c'est Ameisen qui en a parlé ("L'art cherche qqch qui n'est pas là"). En ce moment, il parle du chocolat...
Anonyme : je suis heureux de constater que nous écoutons les mêmes émissions sur la même radio. Mais j'ai dû rater celle où il a parlé de Quignard.
Voir les temples de Paestum sous la grisaille, ça doit être beau aussi.
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