jeudi 8 novembre 2012

La dernière plume

On ne connaît de la seconde partie de la vie de Rimbaud que ce qu'en disent les lettres qu'il envoya à sa mère à Charleville ou à sa sœur en Suisse. Sans ces lettres, ce serait le trou noir et je subodore que le mythe du poète maudit n'aurait jamais pris forme s'il ne les avait pas écrites.

Aujourd'hui, qui écrit encore des lettres? De quand date la dernière reçue dans ma boîte? De quand la dernière timbrée et envoyée par mes soins? Paul, mon ami parisien écrivain et traducteur, s'en plaignait au téléphone: il regrettait le temps où il recevait de ma part de longues pages recouvertes de mon écriture de chat.

Ainsi donc, notre ère qui s'autoproclame celle de la communication risque-t-elle, en d'autres temps, d'apparaître exclusivement comme celle du silence. Les Rimbaud sont fatigués ou ont disparu, comme les dernières plumes du dodo.

7 commentaires:

laplumequivole a dit…

Ce que je vais dire est idiot mais j'imagine mal Arthur passant des heures au téléphone avec sa sainte mère...
J'aime écrire (quel scoop !) mais je ne fais plus beaucoup travailler les facteurs. Et j'ai brûlé toutes mes anciennes lettres. Par contre j'écris des mails longs comme le Nil. Et j'adore bavasser au téléphone sans compter le temps. Ère du silence ? Non je ne crois pas.
Ma boîte à lettres ? On dirait que les seuls à la connaître sont Monsieur Paul Emploi, Monsieur Trésor Public et Madame La Banque...Pour les déclarations d'amour on repassera !

Kab-Aod a dit…

Je te trouve également bien rapide à conclure, Calyste. Certes je reçois encore du courrier, et j'en écris quand je pars en vacances. Cependant la communication par courriels, blogs ou SMS me procurent aussi de beaux instants. J'ai l'impression d'entendre cette confusion entre "littérature" et plaisir de l'objet "livre". Sans parler de ceux qui s'étonnent de savoir lire et écrire au point de se croire déjà écrivains.
Je travaille auprès de tous les âges et les anciens pratiquaient finalement peu la jouissance épistolaire. La plupart s'y collait à défaut de supports plus modernes.
Certes, nous sommes moins enclins à conserver les écrits du quotidien. Or, à mon sens, recevoir des messages rédigés, courts ou longs, n'a pas décru. loin de là, et perpétue la langue sans faillir.
Cet après-midi encore j'ai répondu au courriel d'un écrivain : ça m'aura pris quasiment une heure d'application pour tourner la bonne phrase. Et j'ai seulement seize ans de moins que toi !
Rimbaud stigmatise un moment de génie, il le disait lui-même. Il avait cette conscience de l'éphémère du jusqu'au-boutisme. Ensuite il s'est évadé, sans nostalgie de son talent.
Le courrier manuscrit concerne une génération : elle ne concerne pas l'écriture elle-même.

Cornus a dit…

La lettre d'encre sur support cellulosique n'a plus le vent en poupe, certes. Mais que faire des blogs, des courriels ? C'est bien une forme d'écrit, même s'il est moins physique. Je ne mets pas les SMS dans le même paquet tant la façon dont nombre de personnes écrit m'horripile : je n'aime pas que l'on écrive pour abréger dans un langage plus ou moins phonétique.

P. P. Lemoqeur a dit…

La lettre telle qu'on la concevait à l'époque et ce depuis Madame de Sévigné est un genre littéraire, chez Rimbaud aussi. La prétendue intimité de l'écrit n'est qu'un leurre.
Elle a un moment résisté au téléphone (on ne s'écrit plus, on se téléphone, se plaint-on déjà au siècle dernier), la courte période du fax (et une sérieuse grève de la poste) a sérieusement attaqué sa carrière, le web y a mis un terme...
Mais elle existe toujours, récupérée par une autre et antique forme.La littérature nombriliste façon Angot, pour ne prendre que cet exemple détestable n'est que l'ultime et inavoué avatar du genre...

Scribe Ouillard a dit…

Bon, y'a aussi des lettres qui ne méritent pas de passer à la postérité...;)

Calyste a dit…

La Plume: moi, j'ai viré M. Publicité. Du coup, je pourrais presque sous-loué ma boîte aux lettres.

Kab-Aod: ma grand-mère n'osait pas m'écrire car elle craignait de faire des fautes d'orthographe. Elle a fini par comprendre que c'était un mot d'elle qui me faisait plaisir, quelle que soit la façon d'écrire ce mot.

Cornus: oui, je suis d'accord avec toi. L'écrit, ça se respecte.

PP: tu cherches à m'énerver en me parlant d'Angot ?!!! :-)

Scribe Ouillard: mais qui font bien plaisir tout de même. Merci, Monsieur P. Au fait, j'ai égaré ton adresse mail par laquelle nous échangions autrefois. Si ça ne te dérange pas, peux-tu me la communiquer à nouveau?

Scribe Ouilleur a dit…

L'adresse? ben elle est au dos de l'envelloppe!
;)