Danielle, c'était Oceania. Oceania, c'était Danielle. Oceania nous livrait les textes des autres, extraits beaux ou significatifs d'un auteur, ou simplement appréciés d'elle. Danielle, parfois, rarement, trop rarement apparaissait avec ses propres mots, sa propre histoire, ses amours et ses émotions.
Voyage dans les mots, c'était le titre qu'elle avait donné à son blog. Chez qui je l'ai découverte, je n'en sais plus rien aujourd'hui. C'est moi qui, bien humblement, bien timidement, eut un soir le courage de glisser un commentaire au milieu des nombreux autres qui suivaient chacun de ses billets. Elle me répondit gentiment et ne me quitta plus. Dans le classement de sa blogosphère, elle avait créé spécialement pour moi une catégorie à part, où je suis toujours resté seul: Jamais un jour sans une ligne (c'est une citation de Pline le Jeune).
Un soir qu'elle perçut la grande détresse que je ressentais à ce moment-là, elle eut les mots qu'il fallait, des mots simples et justes, pour détourner l'orage de ma tête. Elle seule les eut, un peu comme l'on dit que doit faire une mère. Nous échangeâmes nos adresses pour les courriers électroniques, puis nos numéros de téléphones portables. Un jour que j'étais dans le Gard, chez Jean-Marc, le mien sonna: c'était elle et sa voix qui me surprit parce que je l'avais imaginée autrement, comme l'on fait d'un personnage de fiction que tout le monde recrée à son désir.
Nous ne pouvions nous rencontrer à cette occasion mais rendez-vous fut pris pour plus tard. Plus tard, ce fut la maladie, l'opération, et la rencontre ne se fit jamais. Je lui parlai encore, plusieurs fois, je pus préciser ces traits grâce à des photos publiées mais je ne la rencontrai jamais. Je n'ai jamais effacé de mon portable le SMS qu'elle m'envoya un jour, toujours plein de vie et d'espoir malgré la maladie. Danielle est morte le 24 juin de cette année, curieusement date anniversaire de la mort de Kicou. Ses enfants ont laissé intact son blog que l'on peut toujours trouver en cliquant sur son nom dans ma liste et où les commentaires s'accumulent pour lui dire adieu. 35 déjà mais 35 seulement, oserais-je dire, dont le dernier trois semaines après le précédent. Un jour, ils cesseront et Danielle tombera dans l'oubli. Pour moi, ce sera toujours la voix extraordinairement jeune que je découvris un dimanche matin en roulant au milieu des vignes du Gard, une voix que j'entends encore me dire: "C'est moi!".
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