J'aime les westerns. Bien sûr, j'aime le néo-réalisme italien, les interminables dialogues des personnages de Rohmer, les films intellectuels mais j'aime aussi les westerns, à un point qu'on ne saurait croire et depuis tout petit.
Je pense que mes premiers souvenirs de cinéma sont des westerns (après Le Tigre du Bengale, de Fritz Lang, et Sous le plus grand chapiteau du monde, de Cecile B. Demille, où m'avait emmené ma grand-mère).
Les sept Chemins du couchant, La Prisonnière du Désert, La Chevauchée fantastique et tant d'autres m'ont initié au septième art. J'y entrais facilement, j'y étais heureux, très heureux devant ces intrigues un peu manichéennes où l'indien avait toutes les chances d'être fourbe (sauf exception pour confirmer la règle) et le cow-boy loyal et droit jusque dans la mort (sauf, ici aussi exception, mais dans ce cas-là, le cow-boy avait une sale gueule). Il y avait peu de personnages féminins, mais cela ne me dérangeait pas (déjà!) car, dans ces films-là, la femme ne peut être qu'une sorte de repos du guerrier, même enrubanné de musique romantico-guimauve et de couchers de soleil flamboyants.
Ce que j'aimais par dessus tout, c'était l'amitié rugueuse entre les hommes, ces silhouettes boucanées du soleil du désert, faisant corps avec leur monture, avares de mots et de sentiments exprimés. Il était pourtant un moment où la couenne se faisait moins épaisse, où le regard s'adoucissait, où la voix prenait des modulations autres. Ce moment, c'était le soir, autour d'un feu que l'on allumait pour chasser les prédateurs, un feu de bois qui réunissait les hommes, les éclairant si peu qu'ils osaient alors livrer une partie de leur vrai visage. L'un, allongé sur le sol, la tête sur sa selle, le chapeau encore sur le visage, se met à chanter doucement, pour lui-même, perdu dans les rêves qui le rapprochent de sa douce et accentuent la nostalgie de son absence, pour lui même et pour les autres car ils ont tous le même manque au cœur. Un autre, après avoir tiré du feu un peu de café chaud, se rapproche et écoute, un léger sourire aux lèvres, le regard perdu sur les dernières traces de lumière qui disparaissent derrière les monuments rocheux du Grand Canyon. Un autre prend sa guitare, un autre son harmonica, un autre se met à siffloter, et la chanson solitaire devient bonheur partagé, voix mêlées, harmonie retrouvée.
Dans les compagnons du héros, le fier cow-boy justicier, il y a toujours un jeune homme qui fait ces premières armes. Il est ridicule de maladresse à force de bonne volonté. Il veut être le plus près possible de son modèle, le plus vieux qui le regarde à peine et rit de lui en fumant son cigare ou en buvant un alcool fort que, par jeu, il lui fera goûter. Il veut monter à cheval comme lui, cracher comme lui, s'approcher des femmes avec la même nonchalance sûre d'elle-même, se faire une voix plus profonde, plus mâle, et il n'y parvient pas toujours. Parfois, il ira jusqu'à se faire tuer pour son héros, rappelant ainsi, sans le savoir, ces couples de la légion thébaine antique massacrée à Chéronée.
Son juste pendant est le vieux compagnon, une sorte de silhouette avachie par des années de chevauchées sans gloire, à pousser des vaches dont il ne voyait que le cul jusqu'au prochain ranch de leur nouveau propriétaire. Celui-là, je crois que c'est mon préféré. Toujours là quand ça commence à chauffer mais prêt à se mettre à l'abri derrière une colonne de saloon, distillant volontiers un peu d'huile sur un feu qui ne demande qu'à s'embraser mais ne participant pas à la bataille, sauf pour assommer d'un coup de chaise bien placé le premier méchant qui passe à sa portée. Il n'a jamais de quoi se payer un verre, encore moins en offrir aux autres, mais lorsque la tournée est générale, il ne donne pas sa part aux chiens. D'ailleurs sa trogne un peu rubiconde de Gnafron des grands espaces en témoigne. Il porte un vieux chapeau cabossé, un habit aux multiples poches remplies de ficelles et de bout de cigares faméliques qu'il rallume et coince dans l'espace entre deux dents laissé libre par un précédent arrachage. Lui aussi aime rire, et jouer de l'harmonica le soir alors que peu à peu les étoiles s'allument et que, autour du feu faiblissant, les cow-boys s'allongent à même la terre et rabattent leur couverture élimée pour une nuit sauvage.
J'aime, je vous dis, jusqu'aux couleurs en Eastmancolor. Ma tête en est encore pleine ce soir.
mercredi 9 juin 2010
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8 commentaires:
Trois heures 10 pour Yuma, Le Train sifflera trois fois, La Prisonnière du désert, La Horde sauvage, Fort Apache, Rio Bravo... inutile de tous les passer en revue !
Goût des grands espaces, des sentiments nobles, techicolor et cinémascope : l'impression d'être embarqué vraiment ailleurs !
Et Clint Eastwood lui-même, western spaghetti puis T-Bone steack cuisiné par lui-même...
Jolis souvenirs d'un cinéma balayé par des films où règne maintenant une violence purement commerciale.
Et cinéma que j'ai abandonné pour les raisons que vous évoquez, Dominique: violence et "commercialisme".
Figure toi que j'aime aussi beaucoup les westerns (sauf exceptions) pour pas mal de raisons que tu cites. En particulier, le manichéisme, la simplicité de l'intrigue, la "gueule" des acteurs... Tu le dis de façon plus diffuse, mais j'aime ça aussi pour les paysages, mais aussi par rapport à une pseudo-nostalgie de la nature ancienne non encore trop abîmée par l'homme.
Et oui, vous les dîtes, parce que ce n'était pas forcément si violent que ça.
Une nature à l'état d'épure,, oui, je partage bien ton avis, Cornus.
Et je n'ai pas parlé non plus de la musique, par exemple lorsque les troupes se mettent en route, ou de ce rythme de tamtam à l'apparition des indiens. Tout cela parfaitement codé et accessible à tous, petits et grands en partance, comme le dit Dominique, vers d'autres horizons.
("Technicolor", bien sûr.)
Oui, parler aussi de la musique et des tam-tams lancinants ou de la trompette déchirante avant l'assaut...
J'en avais vu un ne fois dont j'ai oublié le titre (HELAS!!!!) où il y avait un jeune mec (20 ans, très beau...) qui se faisait initier à la dure vie du métier de cow-boy par un mec un peu plus âgé (35 ans, très très beau...), mais sans violence ni souleries ni rires gras ni scènes de saloon avinées et agrémentées des habituelles entraineuses. Et ils étaient seuls ! Un huis-clos ! Et ça se déchabillait ! (à moitié seulement, n'en demandons pas trop... ça datait du début des années 60)). J'avais trouvé ça à HURLER d'érotisme latent et contenu. Et je n'arrive pas à le retrouver... bouhouhou...
Et puis la musique plus guimauve des quelques rares scènes d'amour! Un vrai plaisir, chaque fois! Même depuis la cuisine, on sait toujours où l'on en est!
HURLER d'érotisme, Lancelot! Je voudrais bien t'y voir. C'est l'érotisme que tu n'arrive pas à retrouver? Aïe, aïe, non, pas le service en Saxe!
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