samedi 26 juin 2010

Roman blanc

Julius Winsome est un drôle de roman. Déjà par son titre, nom du principal (et presque unique) personnage. Il me semble, mais je peux me tromper, que cette pratique est plus courante en Europe que dans la littérature américaine. Ensuite par son genre: est-ce vraiment, comme l'indique la première de couverture, un "roman noir"? Moi, sans vouloir faire de vilain jeu de mots, je dirais que c'est plutôt un roman "blanc": blanc de la neige du Maine où se situe l'action, blanc des pages où sont recopiés des mots de vieil anglais employés par Shakespeare, blanc de la solitude du héros dont le chien, son seul ami, a été tué par un chasseur et qui se venge de la plus cruelle des façons, blanc de la rédemption finale que je vous laisserais découvrir si vous avez l'intention de lire ce livre.
Gérard Donovan , l'auteur vit aux États-Unis mais est né en Irlande et je trouve que l'on sent l'empreinte de la vieille Europe sur lui, son style et sa façon d'analyser les pensées d'un homme que l'on peut croire fou. Tout manichéisme, si fréquemment décelable chez les auteurs américains du nord, est absent de ces pages. Je les ai lues vite, goulûment, renouant ainsi avec mon plaisir de la lecture.

En fait, quoi qu'il m'arrive, plus rien n'avait d'importance pour moi. Je ne ressentais plus qu'une absence, un manque que je n'avais jamais éprouvé auparavant et qui étouffait en moi tout sentiment. Auparavant, une douloureuse sensation d'absence avait parfois troublé l'habituel bonheur de ma solitude. on devient pierre, bois, épine sur le sol, vent chargé d'échardes. Avec, pour remède empoisonné, les fleurs avivant toute cette grisaille, le contact d'une main sur le bras, le mot gentil surgi d'un sourire, baume qui vous apaise, puis vous laisse plus mal en point. D'aucuns affirment que tout est dans la tête. Si c'est vrai alors, que Hobbes ait jamais partagé ma vie ou moi la sienne n'intéressait guère le monde, ni aucun de ses habitants. Cela ne comptait que pour moi.
(Gérard Donovan, Julius Winsome, Ed. du Seuil. Trad. de Georges-Michel Sarotte)

Aucun commentaire: