jeudi 17 juin 2010

S'écouter

Étrange sensation que celle que j'éprouve lorsque je suis en arrêt de travail. D'abord, je n'ai pas l'habitude (à peine trois ou quatre courtes périodes en plus de trente ans de bons et loyaux services). Je commence par m'inquiéter pour mes élèves, pour mes collègues impliqués dans des projets communs. Mais le premier jour, l'abattement était si fort que je l'ai passé presque exclusivement à dormir, et ce malgré les bruits des travaux que faisait Jean-Claude dans ma salle de bains (mais j'aimais sentir une présence auprès de moi). Je n'émergeais que rarement de mon brouillard, pour reprendre les médicaments ad hoc. J'ai tenté un instant de lire, le livre est tombé sur le sol. Alors, ce jour-là, les élèves et les collègues pouvaient bien tous aller se faire voir.

Le lendemain, aujourd'hui donc, le ventre allait mieux mais la fatigue était extrême. Mon médecin habite l'allée à côté de la mienne. Elle m'avait proposé un arrêt de trois jours, je n'en avais accepté qu'un. Le deuxième jour, je l'ai rappelée pour lui dire mon état et que j'acceptais sa proposition de trois jours. Pourtant, peu à peu, l'homme se rebâtit. On se surprend à avoir faim, l'idée même de la nourriture, qui vous faisait trembler de dégoût la veille, ne vous rebute plus, on s'essaie à de menus travaux. Rangement des cours par exemple, qui m'a valu un beau mal de tête et un besoin irrésistible de dormir.

Malgré tout, les facultés reviennent et c'est là que tout devient étrange et intéressant. On se dit que l'on pourrait bien reprendre son travail, tout en sachant pertinemment que c'est faux: de brusques poussées de fièvre sont là pour vous le rappeler. La fièvre, encore quelque chose dont je n'ai pas l'habitude. De quand date la dernière? Pour moi, elle est indissociablement liée à l'enfance, au grand lit que je partageais avec mon frère mais dont j'héritais seul dans ces occasions, à la Bibliothèque Verte et au papier peint décoré du mur où je faisais apparaître monstres cachés dans de profondes ramures ou caravelles cinglant vers de nouveaux mondes prometteurs de rêves infinis.

Alors, on se laisse vivre, on s'écoute vivre (ça non plus, je n'ai vraiment pas l'habitude). On mange quand et ce dont on a envie, on lit un peu, on somnole, on regarde des bêtises à la télévision en pensant à autre chose, on découvre le rythme des retraités de l'immeuble, les bruits de la cour à des heures inhabituelles. Et à aucun moment surtout, jamais, absolument jamais, on a mauvaise conscience. C'est vraiment ce que j'ai découvert avec le temps (il m'en a fallu beaucoup): j'ai moi aussi le droit au repos. Se dire que l'on a devant soi trois jours sans aucune contrainte, sans copies (c'est la fin de l'année), sans cours à préparer, sans impératifs d'emploi du temps, c'est un peu de paradis à domicile.

Pour ce qui est de la lecture, j'ai terminé le roman de De Luca et entamé un japonais. Je compte, ce soir, m'offrir une soirée télévision, allongé sur mon canapé, un plaid sur le ventre que je retire au gré de mon bien-être. Je commencerai probablement par essayer Arte, avec le film malien Yeelen, et puis, si mes neurones se mettent en surchauffe, j'irai faire un tour chez Roumanoff du côté de Direct 8.

Bonne soirée à vous aussi.

6 commentaires:

Cornus a dit…

Je n'avais pas capté que cela t'avait finalement terrassé. Ce genre de chose, quand cela m'arrive, c'est terrible. La dernière fois que cela m'a pris méchamment, c'était un samedi soir et ça allait mieux le lundi, mais croyant l'orage passé, j'ai remangé et j'ai subi une seconde attaque et j'ai dû prendre un jour d'arrêt. Je te comprends, j'ai dû pas mal dormir.
La fièvre, cela m'arrive assez souvent (cet hiver, j'y ai heureusement complètement échappé). Trop longtemps, j'ai attendu trop longtemps avant d'aller voir le médecin et comme je me suis fait peur une fois ou deux, je n'attends plus la dernière extrémité pour me faire soigner.
Bon courage à toi.

KarregWenn a dit…

Oui c'est parfois difficile de se persuader que la terre ne va pas tourner à l'envers si on n'est pas sur le pont, et pourtant !
Pourtant quand le matelot est malade, il n'est bon à rien, alors autant se reposer et laisser la forme revenir !
Ça va mieux ?

Calyste a dit…

Merci à tous les deux. Pour dire le vrai, ce n'est pas encore tout à fait ça! Mais la bête est coriace!

Lancelot a dit…

Moi aussi, comme Cornus, je n'avais pas compris que c'était grave à ce point.... sinon je serais venu t'apporter une tisane, te faire la lecture, ou, tout simplement, rester près de toi à recoller des assiettes cassées sans faire de bruit...

Là où tu me tords, c'est quand tu dis "à aucun moment, surtout, on n'a mauvaise conscience". Ah. C'est pour ça que tu n'avais accepté qu'un jour au lieu de trois, et que par moments tu te disais que tu pourrais bien reprendre ton travail (tout en sachant pertienement que c'est faux...)

Ah ce Calyste...

Bisous, remets-toi vite :)

karagar a dit…

Bon, j'espère que tu vas mieux... Ta description de ce "laisser-aller" peu coutumier et qui fait du bien est fort juste et colle bien avec ce que j'ai moi même ressenti en mai (près de 3 semaines d'arrêt).

Calyste a dit…

Lancelot: j'aime bien quand tu écris "là où tu me tords"! Spasfon et Smecta, vite!

Peu à peu, ça va mieux. Merci, Karagar. Je pense qu'un petit billet sur un certain spectacle m'aiderait à me rétablir complètement!