mardi 18 mai 2010
Le toit de la remise
Les deux rosiers qui encadraient la porte, le pâle, de vieilles roses qui s'effeuillaient vite et renaissaient à profusion, l'autre, de fleurs écarlates, épanouies et odorantes, dont le parfum suave montait jusqu'à ma chambre, au dessus. Le lilas qui s'étiolait dans un pot à Lyon et qui avait aimé la terre du pré où je l'avais planté, le mur de pierres sèches reconstruit de mes mains, le petit banc de bois que l'on m'avait donné et que l'on m'a repris, les momies de souris lorsque nous restions longtemps sans venir, les araignées et les frelons, l'odeur de la maison, en bas, en haut différente, celle de l'ancienne écurie et celle de la terre mouillée lorsque le plafond était lourd et que les Voirons disparaissaient dans la brume, les volets de vert wagon et les crochets de la porte, la chaleur de la douche tardivement installée, la route de Thonon, la nuit, lorsque l'ombre de la montagne ressemblait au Vésuve, les trouées dans les bois, les chevreuils que l'on apercevait parfois, le cri des chiens affamés avant la chasse, les oiseaux du matin dans le noisetier d'en face, la cour éternellement à désherber, les nuits où je m'enfonçais dans la chaleur d'un roman, sur un matelas de crin qui avait su apprivoiser mon dos, les vêtements achetés parce que, là bas, on avait le temps, parce que, là-bas, ils étaient plus beaux, les soirées à boire et à manger, charcuteries et fromages, et à rire, comme si tout allait durer. C'est ce que je croyais. Je ne me posais pas la question. Le dernier été, celui de la canicule, où l'on avait fait refaire le toit. Le dernier départ, je m'en souviens, j'avais les larmes aux yeux. Savais-je? Et tout ce qui revient ce soir, en entendant par hasard Barbara qui murmure: "Quand Pierre rentrera, tiens, il faut que je lui dise que le toit de la remise fuit....". Et c'est ma mémoire qui s'égoutte, d'un souvenir l'autre, d'une image un son, avec toujours, au fond de moi, cette nostalgie dont je suis sûr maintenant qu'elle ne me quittera pas.
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6 commentaires:
Je suis très souvent touché par la façon dont tu évoques Pierre au fil de tes notes. Pourquoi ? Parce que j'y ressens encore bien vivant. Parce que je crois que si j'étais dans des conditions similaires aux tiennes, je ne serais pas très éloignés des sentiments que tu évoques.
Je me trompe peut-être, mais je le sens ainsi.
Je ne sais pas, Cornus, mais je suis profondément ému par ce que tu me dis là.
Ah ! N'auriez-vous pas écouté L'humeur vagabonde ce soir ? J'ai aussi entendu cette chanson si bien interprétée propice à la mélancolie.
Nanouche: exactement!
Cornus a dit que que je ressentais. Particulièrement quand les souvenirs nostalgiques s'agrippent aux lieux comme une plante grimpante, tu nous parles de la mort, c'est très triste, et en même temps c'est de la vie qui surgit de tes mots.
Je me sens bête de dire merci, mais je tiens à te le dire, karagar.
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