Notre ami Calyste vient de me confier qu'il se trouve trop éprouvé pour poursuivre ainsi, en direct, la narration de son séjour cauchemardesque au bord de la grande bleue qui, pour lui, a eu ces deux jours la couleur de larmes amères. Je vais donc tenter de prendre sa suite, en essayant bien sûr de retranscrire aussi fidèlement que possible ce que, dans un souffle, il m'a confié avant de se pâmer dans un proche sofa.
L'après-midi du samedi, nos deux escogriffes avaient encore raffiné leurs supplices. Calyste perdant d'heure en heure des forces qui lui auraient été précieuses pour tenter d'échapper à leurs immondes tentacules, ils n'hésitèrent pas à le promener pendant des siècles (il me dit en avoir encore mal au dos) dans les rues de la ville où déambulait une faune bigarrée et cosmopolite d'où émergeaient principalement des joueurs de trombones et autres instruments à coulisse et à cordes simultanément, et quelques spécimens indécis qui venaient de participer à la Gay Pride, une sorte de défilé comme au 14 Juillet, mais pour les sans-culottes.
Le ciel déversa ses cascades sur la ville et ils ne renonçaient pas. Où voulaient-ils en venir, à la fin? Calyste les supplia, à genoux: - Achevez-moi, leur dit-il, à bout. Mais il ne parvint à tirer de leurs sombres faciès qu'un rictus de plus. Alors notre bon Calyste s'abandonna à son destin. Tel Sissi lâchement poignardée sur les bords du Léman et n'ayant pu compter sur l'aide de sa chambrière pour délasser un instant le corset qui compressait sa tendre poitrine percée d'une dague assassine (tiens, c'est joli!), notre tendre âme rentra en lui-même et mit en marche, à vitesse accélérée (sinon, c'était un peu long) les images de sa vie, depuis sa naissance, charmant bambin sur qui tous se retournaient tant sa grâce naturelle illuminait les lieux touchés par ses premiers pas, jusqu'à son adolescence, où même les boutons d'acné lui conféraient un charme supplémentaire et n'empêchaient pas en tout cas certains (oui, pas -taines, me demande-t-il avec insistance de préciser en se relevant à demi du sofa) de se retourner encore et toujours sur cet éphèbe callipyge, voire de le suivre dans quelque venelle sombre et, hélas, parfois malodorante, jusqu'à sa maturité, rayonnante de virilité tranquille, qui préférait se masquer un peu plutôt que d'éblouir ceux qui, malgré tout, continuaient à se retourner sur son passage, jusqu'à...
Veuillez excuser cette interruption de la narration. Je reçois à l'instant un coup de fil d'un certain Christophe, de Paris, qui dit en avoir assez de cette digression sur le passé glorieux et au combien sensuel de Calyste et voudrait que l'on en revienne à nos révélations fulgurantes sur le sieur Lancelot et Tinours le tout aussi pervers. Ce fidèle lecteur semble d'ailleurs prêt à nous confier quelques secrets supplémentaires sur le couple maudit qu'il semble bien connaître lui aussi.
Revenons donc à nos moutons. Ou plutôt à nos monstres sanguinaires, car ils n'en avaient toujours pas fini avec leur victime expiatoire. Le soir venu, ils voulurent reprendre le jeu du "je te gave tant que je peux avec des mets délicieux" (Au cas où vous seriez hermétiques à la poésie, je vous signale que ça rime!) qui leur avait tant plus la veille et l'emmenèrent jusqu'à un repaire hispano-tzigane où les plats défilèrent au son de guitares andalouses toujours aussi discrètes et où Calyste osa le seul geste de révolte qu'il eut le courage de tenter ce soir-là. Excédé par ce sadisme outrancier, il réussit à renverser son verre de vin (oui, on le fit boire encore à ce repas-là) sur le pantalon de Lancelot qui n'eut pas le réflexe assez rapide (ben oui, il n'est plus tout jeune) et en fut réduit à se tamponner d'eau claire pour éviter la tache. Mais Calyste souriait faiblement: il avait eu une petite vengeance. On aurait dit un de ces sourires énigmatiques qu'arborent les vierges à l'enfant lorsqu'elles pressent contre leur sein virginal le sauveur de ce monde!
Après le repas, on le fit déambuler dans les ruelles sombres du village, au pied d'un tertre d'où s'élançaient dans la nuit des voix fantomatiques semblant jaillir des ténèbres et comme enfantées par elles et les goules qui s'y terraient sans doute. Il fallut ensuite affronter la deuxième nuit de captivité, et Calyste, avant de sombrer dans ses propres bras (car Morphée n'avait bien sûr pas été convié), se résigna à tracer dans le plâtre de la chambre, en un endroit discret que ses bourreaux ne repéreraient pas trop vite, les premières marques verticales de son calendrier de captivité. Un instant, il repensa à sa maîtresse d'école qui distribuait des bûchettes de couleur aux enfants sages et bien apprenant. On échangeait ensuite les bûchettes contre une image représentant Jeanne Hachette ou le Camp du Drap d'Or et... Oui, d'accord, Christophe, je vois où tu me les mets les bûchettes. Pas la peine de s'énerver, je reprends.
Mais non car, derrière moi, Calyste me réclame avec autant d'insistance que Nelson Monfort les sportifs sortant de compétition. A tout à l'heure pour la fin de ce reportage au pays des succubes.
lundi 8 juin 2009
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5 commentaires:
Tu passes bien vite sur le moment où tu t'es mis à genoux.
Mais si, Olivier, il dit qu'après ça il "s'abandonne à son destin" et il tombe dans une espèce de rêverie phantasmatique sur son passé : dans deux secondes il va nous raconter qu'on lui avait glissé la drogue du viol (je sais plus comment elle s'appelle d'ailleurs) dans son (ses!!) verre(s) de vin de midi.
Lancelot n'est effectivement peut-être "plus tout jeune" mais il l'est davantage que toi, et il le sera toujours. Et VLAN. A vacherie, vacherie et demie. D'ailleurs, effectivement, comme tu l'as dit par la suite, il s'en TAPONNE de tes goujateries... ! :-D
Après t'avoir fait boire la piscine, la prochaine fois, on t'obligera à jouer de la guitare et à chanter avec les gitans. Et un strip-tease debout sur la table en jouant des castagnettes, pour faire bonne mesure.
Si maintenant, je ne peux plus répondre moi-même à mes commentaires! Bon, ben débrouillez-vous: je ne dis plus rien, na. Au moins pendant deux minutes. Et le premier qui dit que ça fera des vacances....
C'était très drôle (et effrayant !)
Merci, Christophe, et encore j'ai censuré les scènes les plus dures!
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