Il est des livres rares dont il n'est pas besoin de dire quoi que ce soit tant ils se suffisent à eux-mêmes.
Rez-de-chaussée, de Erri de Luca est l'un d'entre eux. Publié chez Rivages poche, dans la collection Petite Bibliothèque, c'est un ouvrage d'une centaine de pages, petit par la taille, grand par la résonance, que je relirai sans doute progressivement, article après article. Car il s'agit bien d'articles publiés d'abord dans le supplément littéraire du quotidien Avvenire au cours de l'année 93-94 sous le titre générique de Scriptorium. De Luca dit peu apprécier ce titre imposé par les rédacteurs du quotidien, car c'est bien du rez-de-chaussée que leur auteur contemple le monde: " Rez-de-chaussée est mon seul point de vue sur le monde. Je n'ai regardé aucun panorama, je ne suis monté sur les épaules de personne, je ne me suis pas mis sur la pointe des pieds. Je n'ai eu que ma taille, pas très haute, d'homme."
Au fil des vingt-quatre articles proposés, De Luca s'arrête sur le conflit yougoslave, sur ses voyages en tant que conducteur de convois humanitaires, sur quelques mots de la Bible, sur les parois rocheuses à gravir, sur la beauté de Naples, celle qui échappe à tout tourisme. Et c'est beau. On peut avoir parfois un avis divergeant du sien, ça m'est arrivé, mais ça n'enlève rien à la rare qualité de l'ensemble. Le dernier article, en particulier, devrait être reproduit en entier pour vous donner l'envie de lire ce livre essentiel pour moi. Il porte sur les camps de concentration d'Auschwitz et de Birkenau et commence par ces mots: "Mir viln nisht shtarbn, nous ne voulons pas mourir. Cette phrase en yiddish criée par les orphelins du ghetto de Lodz alors qu'on les chargeait sur les camions pour Auschwitz, témoigne d'une chose simple, les enfants aussi le savaient. Le titre de cet article est " Je suis de nouveau là". C'est la traduction de l'allemand "Ich bin wieder da" mots "écrits sur une pancarte suspendue au cou des détenus qui avaient tenté de s'évader. Après les avoir tués on les mettait sur une chaise dans la cour, ce texte autour du cou: "je suis de nouveau là."
Il faudrait que tous ceux qui parlent sans cesse de la Shoa, dans un sens comme dans l'autre, lisent ce petit livre et en adoptent l'immense humanité.
dimanche 14 juin 2009
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2 commentaires:
je n'avais jamais entendu parler de Erri de Luca. Intéressant...
Ca m'a rappelé Primo Levi (évidemment..) et "Si c'est un Homme" lu d'une traite dans le TGV Marseille-Lille, et que j'avais, bien sûr, adoré.
Pour moi, c'est un grand bonhomme. Fais-moi à tout prix penser à t'en parler. J'ai presque tout lu et presque tout aimé. Mais la similitude avec Primo Levi (livre admirable, je suis d'accord avec toi) n'est qu'illusoire.
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