dimanche 12 juin 2016

Ma nuit chez Maryline

Après le mariage à la mairie, l'apéritif dans une cave vinicole et la soirée à la salle des fêtes, moments dont je ne retiendrai que le discours du maire, d'une puissance émotionnelle exceptionnelle, et un duo de guitares joué par un ami argentin et sa compagne, d'une qualité rare d'exécution, il fut temps d'aller se reposer les yeux et les oreilles.

C'est Maryline, une habitante du village, la soixantaine passée, qui nous hébergeait, Émile et moi, dans sa petite maison de village où je me sentis immédiatement bien : une avant-cour recouverte de glycine qui dut être foisonnante il y a quelques semaines, un vieil escalier de pierre, une minuscule terrasse où nous prendrions le petit déjeuner le lendemain matin (en fin de matinée tout de même) et des pièces vieillottes sur deux étages, remplies de livres, d'antiques bibelots et de souvenirs d'une vie.

Maryline : sourire, humour, le cœur sur la main, la lecture dans le cœur. Tout de suite, en la voyant, à la fois non conventionnelle et gentille (je sais, ce mot n'a plus bonne presse, mais pour moi, c'est une des plus grandes qualités), j'ai pensé à Plume : petite bonne femme pleine de vie et de soleil. Et puis, il y avait aussi un chat, mais j'en reparlerai.

Hélas, un seul lit pour Émile et moi, à partager. J'ai perdu l'habitude de dormir à deux et, en plus, Émile, la nuit, se masque le visage d'un appareil (pour moi) de torture lui évitant l’apnée du sommeil. Par chance, je m'endors vite : fatigue de la conduite, de la chaleur lourde de la journée, des longues stations debout (à la mairie et à la cave), des (quelques!) verres avalés dans la soirée.

Et une heure plus tard, j'ai les yeux grand ouverts. Plus question de dormir : je pressens quelques moustiques dans la chambre, Émile dort sur le dos, l'appareil à deux doigts de mon visage, à deux doigts de mon oreille sa respiration lourde et irrégulière, à deux doigts de mon nez son odeur un peu âcre de bonhomme trop enveloppé. J'essaie la respiration profonde, ça marche parfois, j'essaie les pensées moutonnières mais les moutons sont allés paître ailleurs cette nuit. J'essaie le verre d'eau et le petit pipi (pas dans le lit, en bas, au rez-de-chaussée), j'essaie le côté droit, j'essaie le côté gauche (ni ventre ni dos, ça ne marche jamais) : rien à faire ! J'essaie de secouer un peu Émile : autant tenter d'ébranler la muraille de Chine ! Pourtant, il faut que je dorme au moins quelques heures : je conduis demain pour le retour.

Et puis, tout à coup, alors que la patience s'en va, la lumière me vient : sans le remarquer spécialement, j'ai vu, j'en suis sûr, un petit canapé dans le salon du bas. Un peu trop court pour ma taille, pas très large non plus, mais avec quelques chaises à la tête, aux pieds et sur les côtés, ça devrait aller. Et ça va effectivement. En plus, cerise sur le gâteau, plus de bruits suspects de suceurs de sang, plus de souffles contrariés, humains ou mécaniques, et une relative fraîcheur. Je vais enfin dormir !

Pas longtemps : le chat a franchi sa chatière et, mécontent que je ne m'intéresse pas à lui, se met à pousser des miaulements d'abord destinés à m'apitoyer sur son sort puis plus visiblement impérieux. Les miaulements ne suffisant pas à m'amadouer, il invente d'autres moyens de me faire comprendre qu'il est là : balades dans le salon, en bousculant quelques bibelots, grattages intempestifs de  je ne sais quoi. Non, tu ne m'auras pas ! Un moment de silence, j'en profite pour sombrer. Mais il remet ça plusieurs fois dans la nuit. Vous n'avez jamais eu envie, vous, de tuer un chat ? Moi si, cette nuit.

Après, quoi ? Je ne sais pas : je n'y étais plu. Morphée m'avait enfin recueilli. Et ce matin, au réveil, le soleil qui peu à peu traverse le feuillage de la glycine, les objets qui, imperceptiblement, sortent de l'ombre, un fond d'air parfumé aux bâtons d'encens brûlés les jours précédents, le silence retrouvé, uniquement agrémenté du bourdonnement des abeilles dans le jardin.

Même pas fatiguée, ma vieille carcasse ! Pourtant, une nuit chez Maryline, ça pourrait être éreintant !

8 commentaires:

Jérôme a dit…

C'est tellement attendrissant, un chat!

Cornus a dit…

On n'aura pas eu droit au menu. Tu vas me dire, celui du mariage de ma cousine non plus vu qu'il était très ordinaire. Ce que j'avais retenu, c'était que je m'étais emmerdé comme un rat mort.
Quant au fait de ne pouvoir dormir, cela m'aurait rendu particulièrement désagréable. Déjà, je pense que je n'aurais pas toléré dormir dans un lit commun et pas dans un canapé non plus. Et j'aurais sans doute vidé les lieux séance tenante ou aux aurores.

Jean-Pierre a dit…

Un homme sage sait s’accommoder et s'adapter aux circonstances..
D'autant plus que cela a été à l'origine d'un joli billet : les ronflements d’Émile, le chat, le parfum du salon au matin, le feuillage des glycines transpercé par le soleil.. ne manque que l'odeur du café chaud.

plumequivole a dit…

Je cosigne avec Jean-Pierre, des deux mains et mot pour mot !

CHROUM-BADABAN a dit…

S'adapter aux circonstances... en accommodant le chat farci à la fleur de glycine : il ne ronronnera plus !
De toutes façons un chat avec un masque contre l'apnée du sommeil, c'est moche et inhumain !

Calyste a dit…

Jérôme : j'ai toujours préféré les chiens.

Cornus : le menu était pas mal mais je me suis emmerdé comme un rat demi-mort.

Jean-Pierre : la sagesse vient sans doute avec l'âge (ou la débrouillardise, ou le toupet...). Ah ! le café sur la terrasse, sous la glycine !

Plume : et tu ne me dis pas si tu te reconnais un peu dans la description ?

Chroum : plus de fleurs à la glycine, sinon il y aurait peut-être eu droit !

plumequivole a dit…

Calyste > C'est que j'étais toute confuse de la comparaison (sérieux !) c'était bien trop flatteur !
Mais admettons que je ne détesterais pas ressembler vraiment à Maryline. Sauf pour la taille car ça, à moins que je me tasse beaucoup, c'est fichu !

Calyste a dit…

Plume : flatteur ? Mais c'est comme ça que je te perçois !