On ne dit plus beaucoup "récitations" aujourd'hui. On lui préfère "poésies", comme on a remplacé instituteur par professeur des écoles. Autres temps, autres mots! Mais qui, pour moi, sentent un peu trop leur prétention.
Alors grand plaisir cet après-midi lorsque le libraire de quartier à qui j'étais allé régler une grosse commande pour le collège et chez qui j'ai acheté quelques livres pour mon usage personnel, m'en a donné un intitulé 200 récitations de votre enfance. Feuilleté dès qu'arrivé dans la voiture. Et des noms, et des noms, que je croyais avoir oubliés depuis longtemps: Paul Arène, André Chénier, François Coppée, Francis Jammes, Jean Richepin, Albert Samain, aux côtés des incontournables La Fontaine, Verlaine, Rimbaud et autres Victor Hugo. Il y en a même un que je ne connaissais pas: Charles Van Lerberghe.
Relu ce soir quelques pages apprises dans l'enfance et que j'ai sans doute un jour récitées, seul au tableau, sur l'estrade, avec mon tablier d'écolier et les mains dans le dos, concentré comme si de ma mémoire dépendait l'issue heureuse d'une guerre incertaine.
En voici une, de ses récitations de mon jeune âge, dont je n'avais retenu que la première strophe et totalement oublié l'auteur:
La Biche
La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux:
Son petit faon délicieux
A disparu dans la nuit brune.
Pour raconter son infortune
A la forêt de ses aïeux,
La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux.
Mais aucune réponse, aucune,
A ses longs appels anxieux!
Et le cou tendu vers les cieux,
Folle d’amour et de rancune,
La biche brame au clair de lune.
Son auteur? Maurice Rollinat.
(Pierre Ripert, 200 récitations de votre enfance. Ed. De Borée.)
mardi 20 septembre 2011
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10 commentaires:
Pleurer à se fondre les yeux ! Je crois que je n'aurais pas pu réciter ce vers sans démarrer les grandes eaux !
Et je me demande tout à coup si le débit monotone que nous avions souvent en récitant n'était pas une façon de nous protéger de trop d'émotion.
Imaginons la récitation d'autres choses que de la poésie, théâtre ou de la littérature. Le bottin par exemple ?
Mais il est des cas où la poésie perd de la crédibilité naturaliste : a-t-on déjà vu une biche bramer ? Un autre Maurice (Genevoix) ne s'y serait pas trompé, lui !
La Plume: sans doute dû aussi à la timidité et à la grande concentration. De ce côté-là, rien n'a changé aujourd'hui. Si: c'est moi qui fais le spectacle!
Cornus: cela s'appelle la "licence" poétique, mon cher!
Ah cette biche, comme elle me fondait le coeur. J'ai toujours adoré récité les poésies à l'école, et comme je mettais beaucoup de conviction et le ton, j'étais très souvent appelée au tableau. La seule chose qui me donnait vraiment du plaisir dans ces écoles honnies.
Ma mère aimait Rollinat me la récitait et je pleurais ! Je fus mis en contact très jeune avec les "Hydropathes".
"La Biche", Je l'ai mise en musique... Voix de soprano et piano...
Maurice, prénom de poète, Fombeur, le poitevin délicieux que Poulenc mit souvent en musique, Maeterlinck le flamand le plus génial,
et puis parmi les "Maurice" il y avait aussi hélas !le calamiteux Maurice Carème...
Son petit faon délicieux ? Le poète a, en fait, transformé le faon en un délicieux rôti avant que d'écrire ce poème, pris de remord... Avec l'espoir secret de faire subir le même sort à la biche éplorée et bramante...
Cornus n'admet pas ce type de "licence", et crie au scandale ! D'ailleurs, Cornus n'admet rien ce soir tant il a fait l'objet d'attaques scélérates !
Valérie: c'est étrange comme encore aujourd'hui, les élèves aiment ce genre d'exercice.
P.P: tu l'as mis en musique? J'aimerais entendre ça! Y a pas un petit youtube qui traine?
Fabrice: Tueur de poésie avec tes obsessions culinaires! Remarque, ça ne doit pas être mauvais et je suis sûr que tu saurais préparé ça à merveille!
Cornus: bon, alors, de quel vin accompagnerais-tu le plat de Fabrice?
Pour un faon, il faut un vin d'exception. Pas de la force mais de la rigueur. Pas d'agressivité, mais de la rondeur. Pas de la rudesse, mais de la subtilité. Pas de la tannique brutalité, mais la douceur vouptueuse du velours. Pas de l'éjaculation précoce mais de la longueur en bouche [pardon].
On l'aura compris, aucun Bordeaux ne peut répondre à une telle définition. Je recommande donc un grand cru de la côte de Beaune. Qui d'autre qu'un Corton pourrait faire l'affaire ?
Cornus: ça, c'est de la poésie, et même un peu licencieuse!
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