Toujours même bien-être à lire Pontalis, toujours mêmes échos en moi dans ce recueil d'anecdotes, de souvenirs, de réflexions sur l'amitié:
Deux vrais amis vivaient au Monomotapa
L'un ne possédait rien qui n'appartînt à l'autre.
La Fontaine, Les deux Amis
Pontalis traite de l'amitié au sens large, y abordant son histoire personnelle avec quelques amis, comme Jean-Pierre Vernant, Jean Pouillon et Michel Cournot entre autres, la différenciant bien sûr de l'amour mais l'étendant aussi à d'autres domaines que celui purement humain: les lieux de vie, par exemple, appartements à Paris ou plages sur l'Atlantique ou ailleurs. Les pages consacrées à Freud et à son ami Wilhem Fliess m'ont particulièrement intéressé, même si l'on y est loin de la nostalgie coutumière de Pontalis.
Un passage qui m'a rappelé bien des souvenirs:
Et nous voilà partis, célibataires occasionnels, comme deux jeunes gens qui auraient pour la première fois rendez-vous avec la lumière de la Toscane, cette lumière qui abolit toute différence entre l'Art et la Nature. La rencontre avec la beauté se fait là où on ne l'attend pas, au coin d'une rue (une petite statue comme oubliée là), sur la hauteur d'une colline (voyez ces trois cyprès), sur une place de village cernée d'arcades, et pas seulement dans ces lieux consacrés que sont les musées et les églises- avouons-le, on s'y ennuie parfois, trop de chefs-d'œuvre qu'il convient d'admirer obligatoirement.
Nous allâmes à Perugia, à Gubbio, à Urbino, là où nous étions assurés de voir des œuvres de Piero. Passâmes aussi à Borgo San Sepolchro, sa ville natale; un véritable pèlerinage, comme si nous devions cela à notre peintre! Dans le petit village de Monterchi, Stéphane s'attarda une heure sans prononcer un mot face à la Vierge enceinte revêtue d'une robe d'un bleu céleste et fendue en son milieu. Le laissant à sa contemplation, j'allai m'asseoir sur un petit muret avoisinant. J'y savourai une pêche que je venais d'acheter au marché, elle fondit lentement dans ma bouche. Ce fut un moment délicieux auquel Stéphane, toujours clos dans son mutisme, mit fin.
Jean-Bertrand Pontalis, Le Songe du Monomotapa. Gallimard.
dimanche 21 novembre 2010
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4 commentaires:
Je l'ai lu et...pas entrée dedans du tout. Faudra que je réessaie plus tard !
C'est effectivement très particulier, K., comme tous les livres de Pontalis: on aime ou on n'aime pas.
Moi c'est marrant. En lisant, j'avais l'impression de lire du Calyste dans le texte. Incroyable. L'Italie, bien sûr. L'ami, bien sûr. Mais aussi l'orange, le mur. Je ne sais pas. Du Calyste. :)
Là, tu me fais un grand plaisir, Lancelot. Vraiment. Sais-tu que Danielle (Oceania) m'avait un jour écrit la même chose?
C'est drôle que tu aies écrit "l'orange" (alors que, dans le texte, il s'agit d'une pêche), parce que, pour moi aussi, j'ai beau bien lire, j'ai dans la tête une orange et dans la gorge le goût de son jus.
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