Je l'avais oublié, Solko était là pour le rappeler: le 24 novembre, c'est la mort de Barbara, en 1997, il y a treize ans. Monique Serf puis Barbara Brodi puis Barbara tout court. La longue dame brune disparaissant un soir de novembre, c'était presque naturel tant l'automne et la brume lui allaient bien.
Que m'a-t-elle apporté, cette femme dont j'entendis parler pour la première fois dans les années soixante? Pourquoi l'ai-je tant aimée, au fil de trente ans d'existence? Je n'ai pas l'intention d'écrire un billet commémoratif ou un panégyrique de la chanteuse disparue. J'ai, il y a quelques années, mis tous mes efforts à fuir cette nostalgie qui me pourrissait la vie, j'y suis à peu près parvenu aujourd'hui, ce n'est pas pour replonger.
Barbara a accompagné mes années étudiantes, avec puis sans Yvon. Nous passions des soirées à l'écouter, complaisamment étendus sur un canapé et sur notre mal de vivre qu'elle alimentait par les plus tristes de ses chansons et son personnage de femme en noir. Nous ne voulions pas voir l'autre côté de Barbara, la joie de vivre, qu'elle chantait aussi bien pourtant. A la mort d'Yvon, elle resta une sorte d'icône pour moi, je continuai à me rendre à chacun de ses concerts à Lyon mais je savais aussi que je devais me méfier de moi. Lorsque le spleen me guettait, je ne mettais plus un de ses disques, comme autrefois: le besoin d'entretenir une souffrance romantique m'avait quitté en découvrant le cadavre de mon ami d'enfance pendu derrière sa porte.
Je l'ai alors moins fréquentée, puis elle a disparu, elle, un soir de novembre. Aujourd'hui, je l'écoute peu. Je crois posséder la quasi totalité de ses chansons mais je n'ai pas besoin de mes disques: la plupart sont dans ma tête, je les connais par cœur, je sais la moindre intonation qu'elle y mettait et je fredonne parfois. Mais ce n'est pas triste et ce n'est plus ce que je recherche. Je crois apprécier encore davantage maintenant la beauté de certains de ses textes, leur poésie à fleur de peau et la musique, la petite musique qui fait, comme sa voix, qu'on ne peut la confondre avec aucune autre.
1954 A l'Atelier - "la femme inconnue". Je viens de découvrir cette rareté sur You Tube!
mercredi 24 novembre 2010
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10 commentaires:
J'ai assisté à la dernière du spectacle donné par Barbara en novembre 81 à la grande halle de la Villette, remplacée depuis par le Zénith. Je rentrais d'une expo à Lyon. Des amis étaient venus me chercher à la gare et zou, direct à la Villette. Spectacle magique d'amour partagé. Ceux qui ont eu la chance de voir Barbara sur scène savent de quoi je parle. A la fin du récital, triomphe, rappels. La salle réclamait les titres en les fredonnant. Et Barbara les chantait. Un, deux, trois, quatre, cinq rappels. Au cinquième Barbara revient sur scène dans un peignoir blanc. La salle entonne la petite cantate. Barbara s'approche du bord de la scène, fait taire le public: ''Je vais vous la chanter. Mais s'il vous plait ne m'en demandez pas une autre, je ne pourrai pas vous la refuser mais je ne suis pas sure de pouvoir y arriver. Je suis épuisée'' Puis elle s'approche de son piano et chante. deux minutes plus tard les dernières notes s'envolent :''si,mi,la,ré, si,mi,la,ré, si,sol,do,fa.'' les premiers applaudissements sont vite couverts par des ''chut, chut...'' et Barbara s'en est allée dans un silence respectueux plus éloquent que tous les mots d'amour.
J'ai bien aimé sa chanson sur Mitterrand, elle avait compris l'espoir qu'il avait lancé.
Ici, c'est drôle sa façon de rouler les "r" qu'elle a nettement diminuée par la suite.
J'ai connu aussi, Charlus, ce genre de moments magiques: quand elle apparaissait, quand elle chantait, quand elle parlait, quand elle ne parvenait pas à s'en aller derrière le rideau tiré, quand la salle communiait, du plus jeune au plus vieux, quand la nuit, dehors, quand nous sortions, était encore du Barbara. Je n'ai jamais connu ça pour personne d'autre.
Oui, elle a ici un petit côté chanteuse d'avant-guerre, Dominique. Elle a bien fait, à mon avis, de s'en débarrasser... Mais j'ai mis cette vidéo parce que, justement, elle ne correspond ni pour le son ni pour les images à la Barbara que l'on a habituellement en tête, et cette "jeunesse" (comme du vin un peu jeune) m'a touché, car on sait ce qu'il en adviendra ensuite;
J'ai été bercé par Barbara à la mort de mon père. Ma mère l'écoutait en boucle. Je n'avais que 9 ans et ne comprenais sans doute pas toutes les paroles... Longtemps, Barbara a été la compagne de mes jours sombres, de mes moments de spleen. Puis, en allant mieux, je l'écoutais moins. Aujourd'hui, comme toi, je ne l'écoute presque plus. Le lien entre ses mélodies et la morosité se dessine-t-il aussi facilement qu'il s'efface? Tout ça pour dire que je me retrouve dans ce que tu dis.
Ne pas avoir pu l'entendre sur scène reste un petit chagrin. Je l'écoute moins qu'avant, moi aussi, et pour des raisons assez semblables : je me dégage moins facilement des états "spleenétiques". Mais qu'est-ce que j'ai pu écouter Dis, quand reviendras-tu et m'y identifier totalement...
Samuel: pourtant elle a aussi chanté des chansons gaies, voire drôles. Je crois que c'est sa personnalité qui exsude la mélancolie.
Christophe: oui, tu as manqué quelque chose en ne la voyant pas sur scène. C'était la même, mais souvent totalement folle, joyeuse, comme une gamine avec ses jouets. Elle était envoûtante, avec sa voix, même parlée, ses silences et ses accélérations du débit de ses phrases. Je crois qu'elle en jouait un peu (beaucoup?).
Elle était revenue faire un disque en 1996 il me semble, avec une voix complètement cassée, mais encore avec une étonnante émotion, et fort peu de temps après, elle disparaissait. En définitive, je suis un peu passé à côté d'elle, mais elle reste là.
Personnellement, je n'accorde jamais mon humeur avec la musique. Mais j'en écoute sans doute assez peu.
Moi même, je n'ai pas beaucoup aimé son dernier disque, Cornus.
Celle que j'ai toujours préférée parmi toutes les autres :
Moi, je me balance,
Parmi tous vos désirs,
Vos médisances,
Moi, je me balance,
Sans adieu ni merci,
Je vous laisserai ici,
Sans adieu ni merci,
Je vous laisserai ici.
Car je m'en balance,
Je m'en balance,
Je me balance.
J'aurais du mal, moi, à en choisir une: il y en a tellement que j'aime. Alors je peux juste dire celle que j'aime le moins: c'est L'Aigle noir.
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