Il est bientôt minuit. Combien de fois me suis-retrouvé depuis trois ans devant cet écran à cette heure-ci? Combien d'heures ai-je passées à lire les autres, à écrire, à mentir, à faire croire que j'étais gai alors que j'étais triste, à faire croire que j'étais triste, à accentuer ma tristesse pour me faire plaindre, à enjoliver les choses du vécu, à faire d'un rien un écheveau de sensations, d'une anecdote un ressenti profond, à lancer des messages, à brouiller des pistes? Combien?
Et pourtant si je reprenais ces billets depuis le premier, si j'avais le temps et le courage de les relire, ces 1924 traces laissées derrière moi comme un escargot sa bave, je suis sûr que le portrait serait assez ressemblant à l'original, avec quelques ombres par ci, quelques gommages par là mais, au final, profondément honnête, ou pas plus malhonnête que l'image donnée de moi dans la vraie vie, donnée par chacun de nous dans la vraie vie.
J'entendais un jour quelqu'un dire qu'il fallait se méfier des relations virtuelles, que les amitiés sur le net n'étaient pas faites pour durer, que certains dont on s'était senti proche disparaissaient un soir sans un mot d'explication, encore moins d'au revoir. Mais en est-il autrement dans la "vraie" vie? Retournez-vous, regardez dix ans en arrière: combien vous en reste-t-il, de ces amis indéfectibles, combien vous ont lâché, combien en avez-vous lâché, combien la vie en a-t-elle éloigné? Je disais autrefois, et c'était vrai, que j'étais plus fidèle en amitié qu'en amour (physique). J'ai changé et c'est aujourd'hui l'inverse. Les amis, je les laisse dériver. Ceux qui comptaient le plus sont morts aujourd'hui. Les autres sont libres. S'ils s'en vont, leur absence me surprend, elle ne me peine plus guère. Est-ce cela vieillir?
En relisant ce billet, je me rends compte que mes pensées sont un peu parties à vau l'eau. Dégénérescence cérébrale, vous croyez? Déjà?
jeudi 28 octobre 2010
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10 commentaires:
"Comme un escargot sa bave"...
Je ne sais pas si les amitiés virtuelles sont plus fragiles, si les amitiés en général sont condamnées à disparaître... mais je sais le plaisir que j'ai à te lire.
Qui est l'ami véritable ? Celui qui éclaire notre intime, celui qui nous protège de la souffrance ? Cher Calyste, à lire sans plus tarder, LE SONGE DE MONOMOTAPA de J.-B. Pontalis. Il vient de sortir en poche.
Si je comprends bien, vau l'au c'est l'équivalent lyonnais de notre veau sous la mer?
Plus sérieusement, moi j'lui trouve une certaine cohérence, à ce post, car au fond, je suis d'avis aussi que la superficialité se décline aussi facilement dans l'Internet que de la vie physique et que la seule différence est l'absence des chairs, d'où l'analogie, à un autre degré entre amitié/sexe.Plein de questions intéressantes en tout cas. Je comprends moins bien le mot amour pour qualifier des fréquentations basées sur le sexe et les imaginer plus durables que les relations amicales me semble un peu étrange, je dois dire. Mais je n'ai pas d'expérience en la matière (je veux dire sexe sans lendemain ou amour, je connais, pas l'entre deux).
Cette note, pour la mise en parallèle des relations virtuelles et des relations "incarnées", me parle, comme on dit. Je m'y retrouve, surtout lorsque tu fais allusion aux amis largués ou larguant, dans la vie dite réelle. cela arrive, c'est frustrant, ça met mal à l'aise, mais c'est sans doute le cours normal de la vie. Et plus j'avance en bloguerie, moins je vois de vraie différence. Je ne crois pas qu'on se cache plus sur le blog que dans l'autre vie.À moins bien sûr de se déguiser sciemment. Mais l'inverse est sans doute assez vrai, et peut-être qu'on se découvre plus facilement parfois ici.
Et de vraies amitiés naissent parfois du blog, des vrais ressentiments aussi d'ailleurs. Ça n'est pas rien. "Laisser filer" comme tu dis, c'est une chose que j'ai encore du mal à faire.
Le blog me fait souvent penser, avec une certaine nostalgie, à ces longues correspondances postales qui avaient cours autrefois. J'ai eu l'occasion d'en lire, trouvées dans le grenier de mes parents. Ceux qui écrivaient étaient morts depuis belle lurette. Il y avait beaucoup de virtuel aussi dans ces échanges, à cause de l'éloignement géographique. Mais beaucoup de force et d'émotion aussi. Pas très différent de ce que nous faisons, ou essayons de faire !
Merci, Christophe. Pour moi, en toute sincérité, je te trouve trop rare dans tes publications!
Anna, il est déjà sur ma commode, attendant son tour. Vous pensez bien, cela faisait des mois que je le guettais! Je vous embrasse, chère Anna.
J'ai voulu, par flemme, faire un raccourci, Karagar: c'est manqué. La parenthèse "physique" voulait dire que je n'ai pas été fidèle physiquement à quelqu'un que pourtant j'aimais profondément. Mais la relation passagère ne m'a jamais semblé de l'amour, je suis d'accord avec toi.
Je trouve ton commentaire particulièrement touchant, Karregwenn. En tout cas, moi il me touche parce que les mots que tu emploies, force et émotion, sont ceux que j'aurais mis là aussi (force en particulier, parce que je l'ai retrouvée, peu à peu ces trois dernières années, en partie grâce à vous). Et quelle belle phrase que ta dernière! Merci à toi.
P'tain en lisant cet article, je me rends compte que je te suis presque depuis le début WOW ! Tu as raison ça ne rajeunit pas (sic hahahaha ;-)
Et si tout avait été dit, et bien dit, en plus ?
Je rajouterai tout de même un détail : à mon avis, les relations interblog, ou les relations épistolaires, ont, paradoxalement, une intensité que les "rapports face à face" dans la vraie vie n'ont pas. C'est peut-être trompeur et fallacieux, mais c'est un fait. Je veux dire : une lettre, une note, un commentaire, on peut les lire et les relire, longuement, et s'interroger sur leur sens, évident ou caché. On finit par avoir l'impression de connaître les gens plus intimement que cela n'aurait été le cas 'dans la vraie vie'. D'accord, c'est peut-être une erreur. Il n'empêche. Si la relation, même et surtout virtuelle, meurt de sa belle mort, c'est très douloureux.
Je t'embrasse, mon grand.
Je souscris pleinement au dernier comm de Lancelot. J'en rajoute même une louchée : il m'est arrivé à une époque pas si lointaine où parler m'étais encore difficile, d'en dire plus sur le blog, à des personnes très proches pourtant, que de vive voix. Et je dis tant mieux, peu importe le véhicule pourvu que les mots sortent.
Tu figures effectivement en bonne place parmi les vieillards lecteurs de ce blog, Nicolas. :-)
D'accord avec toi, Lancelot. Même si certains moments de la "vraie"vie sont intenses! Mais la pudeur y est peut-être plus en jeu aussi!
D'accord aussi, Karreg. Et pour finir sur une pirouette (pudeur, pudeur!), je dirais qu'il faut aussi que le véhicule ait de quoi rouler!!!!
J'arrive bien tard là aussi pour commenter car bien des choses que je partage ont été mieux dites qye ce que j'aurais pu le faire.
Pour moi aussi, il me semble qu'avec le temps, les différences entre les notions d'amitiés "directes" ou "bloguiennes" s'estompent largement et que les "tromperies" finissent par se voir.
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