Trois lettres à Josuke Misugi: une de Shoko,la fille de sa maîtresse, une de Midori, son épouse et une dernière de sa maîtresse, Saïko, peu avant sa mort. A peine 90 pages en livre de poche. Un bijou. Rien de trop. Pas un mot à enlever. Une délicatesse extraordinaire dans l'analyse des sentiments et de la confusion des sens. Monsieur Inoué (Yasushi) était décidément un grand monsieur
Assez étrangement, je me sentais calme, comme si je m'étais trouvée au bord de la mer, le soir, à regarder la marée monter vers moi, depuis le large. Je vis presque le moment où j'allais lui prendre la main, lui exprimer ma sympathie, et dire: "Ah! vous savez donc. Vous savez tout."
La catastrophe que j'avais tant redoutée était arrivée, mais je n'en étais pas effrayée. On eût dit que les bruits assourdis de la plage remplissaient l'espace entre nous deux. Un instant avait suffi pour que le voile du secret, que toi et moi avions jalousement gardé pendant treize ans, fût brutalement arraché, mais ce que je trouvais était bien différent de la mort à laquelle je m'étais attendue. Cela ressemblait -comment dire?- à de la sérénité, à de l'apaisement. En vérité, c'était une paix bien étrange. Je me sentais délivrée. Le triste et lourd fardeau qui avait pesé sur mes épaules n'était plus. A sa place, il ne restait qu'un vide qui me mettait bizarrement au bord des larmes. Je sentis qu'il me fallait penser à un tas de choses. Non point à des choses sombres, tristes, effrayantes, mais plutôt immenses, vagues, sereines et paisibles. Je fus comme soulevée par un sentiment de ravissement ou, mieux encore, par le sentiment de ma libération.
(Le Fusil de chasse, Yasushi Inoué, Stock. Trad. de Sadamichi Yokoo, Sanford Goldstein et Gisèle Bernier.)
mardi 5 octobre 2010
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2 commentaires:
Je m'en doutais un peu mais je suis vraiment content que cela vous ait plu... oui, un bijou!
Merci de m'avoir aiguillé, Jérôme. Si vous en avez d'autres de cette eau dans votre besace....
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