Début de soirée difficile. Je m'étais aperçu que j'avais perdu ma trousse. Non pas n'importe quelle trousse, MA trousse, LA trousse de ma vie, celle qui me suit partout ou presque depuis combien d'années!, celle qui est patinée, usée, égratignée, celle dont j'ai déjà parlé ici et que j'ai photographiée. Celle qui me faisait accomplir pour l'ouvrir un petit geste du poignet que les élèves imitaient affectueusement une année, il y a longtemps. Cette veille trousse de cuir bordeaux offerte par Pierre il y a si longtemps!
Lundi, en entrant en classe, pas de trousse dans mon cartable. Obligé d'emprunter un stylo à un élève. Mardi, ce matin, même chose. Je me promets bien de la récupérer sur mon bureau, chez moi, où j'ai dû la laisser. Et ce soir, impossible de la trouver! Ni dans mon cartable, ni dans aucun des tiroirs de mon bureau, aucune des étagères des bibliothèques, aucun meuble de l'appartement, pas davantage dans le réfrigérateur (c'est là qu'une de mes amies avait récupéré la sienne après m'avoir soupçonné de lui faire une blague), rien dans les toilettes, même sur la pile de vieilles revues que, n'étant guère constipé, je n'ai jamais le temps de lire.
Je repris ma quête une deuxième fois, de fond en comble, espérant que le Saint-Graal voudrait bien se faire remarquer sous un livre, sous une copie ou derrière la serviette de plage propre, encore pliée sur le canapé dans l'espoir d'une dernière exposition à Miribel. Je rentrai bredouille de ma recherche angoissée. Cela m'aurait vraiment peiné de la perdre, non qu'elle ait une grande valeur marchande, sûrement pas, mais parce que je crois que j'aurais beaucoup de mal à me servir d'une autre: je me suis juré d'arriver à la retraite avec celle-ci et si, comme je le souhaite, je me lance ensuite dans quelques voyages, particulièrement du côté du Vésuve, ce sera le premier objet à rejoindre ma valise.
Un ami est passé alors, qui a fait un peu les frais de la fatigue du jour et de la morosité stressée du soir. Une de ses consolations, que je ne lui demandais d'ailleurs pas (mais il ne pouvait manquer de remarquer ma tête des grands jours et m'en avait demandé la cause) fut: " Tu ne vas tout de même pas pleurer pour une trousse!" J'ai failli l'accrocher au plafonnier.
Quand il fut parti, je me décidai à préparer mon cartable pour demain, en essayant d'imaginer ce que je pouvais utiliser provisoirement pour mettre stylos et gomme, et là, tout au fond d'un des compartiments, bien aplatie par des livres ou des cahiers, une forme couleur lie de vin frappa mes yeux: ma trousse, je l'avais enfin retrouvée! Non, elle n'était pas restée sur une table de l'une des salles en mutation du collège, elle n'était pas allée se cacher sous les sièges de ma voiture, elle ne gisait pas lamentable au bord d'un trottoir où je l'aurais laissée tomber sans m'en rendre compte. Elle était là où elle devait être, là où elle avait toujours été, fidèle et humble, dans son environnement habituel et moi, je ne l'avais pas vue, par deux fois qui plus est.
J'ai immédiatement envoyé un SMS à l'ami reparti: "Trousse retrouvée". Sa réponse fut simple et rapide: "Nigaud!". J'aime bien les vieux mots, comme les vieilles trousses!
mardi 8 septembre 2009
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10 commentaires:
A nos âges, peut-être deviendrait-il sage de commencer ou de persister à aimer les vieilles choses, les trousses et les mots compris. :)
Ouf, tes élèves vont te retrouver souriant aujourd'hui!
Moi j'ai passé ma soirée à m'énerver contre le sonnets de shakespeare que j'ai PROMIS de prêter, et c'est urgent, à un ami. Il ne peut être que dans ma chambre bureau, il n'est pas dans le frigo ni dans ma caisse à tee-shirts, je suis sûre qu'il me crève les yeux...Grrr
Consolation en cherchant William j'ai mis la main sur un bouquin prêté par Grand Fils, sur lequel était noté "à rendre à K avant septembre 2004"....J'ai commencé à le relire!
Ouf, tu m'as fait peur. Maintenant, on veut savoir ce qui te trottait dans l'esprit pour que tu sois distrait à ce point.
Trousse-chemise des mots...
Mon Dieu que j'ai aimé cette note... Tu peux pas imaginer à quel point.
Je m'imaginais exactement à ta place, j'auais été dans le même état. Sûr. Mon humeur est descendue et remontée au fil de la lecture des paragraphes. Mais j'étais quand même optimiste à cause du "cela m'AURAIT vraiment peiné de la perdre" du troisème paragraphe. Donc la conclusion ne pouvait qu'être bonne.
C'est idiot de dire qu'il ne faut pas s'attacher aux objets. En tout cas à certains d'entre eux, ceux qui ont une valeur symbolique. Même si cela implique qu'on souffre en les perdant, ils nous accompagnent, nous épaulent, nous soutiennent de par leur présence bienveillante et discrète, au quotidien. Sans jamais nous importuner. Ce qu'aucun humain ne peut faire.
"A nos âges"!! Laisse-moi rigoler doucement, Olivier! D'abord, nous n'avons pas tout à fait le même, ne te vieillis pas trop vite, et puis le temps ne fait rien à l'affaire, comme dit Brassens!
Regarde si tu ne t'en es pas servi comme couvercle pour ta confiture de mûres, KarregWenn.... C'est vrai que perdre quelque chose, c'est souvent l'occasion de retrouver autre chose, ou de remettre le nez sur de vieilles photos, des romans oubliés ou un menu de mariage glissé dans les pages d'un dictionnaire.
Mais je suis souvent distrait à ce point, Kranzler. Pas besoin de raison particulière. Ça m'avait un peu passé au fur et à mesure de mon âge adulte. Aujourd'hui, je retrouve des tas de choses de mon adolescence, et je crois bien que c'est celui-ci, le vrai Calystee.
Et la chanson d'Aznavour qui ne quitte plus mon esprit, à cause de vous, Oceania!
En même temps, Lancelot, ma trousse ne m'a jamais serré très fort dans ses bras!
Elle ne t'a jamais giflé, non plus.
La dernière personne à m'avoir giflé est mon père, sur un coup de colère. J'avais dix-huit ans. J'ai disparu trois jours et ne lui ai plus adressé la parole de six mois. C'est Pierre, que j'avais rencontré entre temps, qui a arrangé les choses. C'était un grand diplomate.
Bin moi, c'est à ma "boite à outils" que je suis très attaché....
Tu n'es donc qu'un bricolo???
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