mardi 22 septembre 2009

Abondance

J'habite tout près de la rue de l'Abondance. Joli nom pour cette rue malheureusement coupée en deux en son centre par l'autoroute urbain qu'est encore aujourd'hui, malgré les protestations des riverains et les promesses de la mairie, la rue Garibaldi avec ses nombreuses trémies (tunnels en lyonnais). J'ai mis longtemps avant de penser à faire le rapprochement avec une autre rue de l'Abondance, celle de Pompéi, en fait le cardo de la cité romaine que les archéologues ont ainsi baptisée au moment de la mise à jour de ces vestiges. A y bien penser, il me plaît assez d'être si proche d'une rue portant ce nom à résonance antique.

Cette rue du troisième arrondissement n'a rien de particulier, ni monuments inoubliables, ni immeubles intéressants, même pas (ou très peu) de commerces dignes de ce nom. Elle prend naissance sur le Cours Gambetta, suit un chemin quasi parallèle à l'avenue Félix-Faure et s'en va butter plus haut contre le Boulevard Vivier-Merle, non loin de la gare de la Part-Dieu. Essentiellement bordée aujourd'hui d'immeubles d'habitations, elle offre pourtant le soir quelques possibilités de parking pour sa voiture, à condition de ne pas rentrer trop tard.

Son plus beau tronçon est celui qui longe la place Aristide Briand côté troisième arrondissement. Cette place, dont l'ancien nom était Place de l'Abondance est occupée par un jardin paysagé en grande partie réservée aux enfants en bas âge et à leurs jeux sous l'œil en principe vigilant de leurs parents. Autrefois, mais peut-être est-il encore là, tapi dans un coin derrière le pont de liane ou le toboggan bleu, il y avait un buste de Barthélémy Thimonnier, l'inventeur de la machine à coudre(1793-1857).

Ce monument à la mémoire de l'inventeur français né à l'Arbresle et mort à Amplepuis avait été inauguré le 8 mars 1931. Beaucoup de lyonnais s'étaient alors étonnés que l'on célèbre sur une place portant le nom d'Abondance la mémoire d'un homme mort dans une extrême pauvreté, parce que mal accueilli par la classe ouvrière (comme d'ailleurs son compatriote lyonnais Jacquard, le génial inventeur du métier à tisser).

Aujourd'hui les enfants y crient, glissent, s'y écorchent les genoux et y suçotent d'improbables chiffons en attendant l'heure de la sieste ou celle du bain. Et je doute que personne, parmi les parents, ne se soucie ni de Thimonnier ni de l'Abondance. Il n'y a qu'un vieux toqué comme moi pour penser chaque fois à la corne brisée d'Amalthée et à la rue aux boutiques en ruines au pied du Vésuve endormi.

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