Autant reprendre avec ma propre plume. On n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Le soleil avait décidé de se montrer également le dimanche matin, ce qui donna une autre idée à mes infâmes gardiens: et si on m'emmenait à la mer? Ni vu ni connu: un petit coup je te pousse et Calyste est bon pour les poissons. Direction donc la grande bleue. Mais pour être bourreaux, on n'en est pas moins hommes et Tinours et Lancelot décidèrent de m'accorder une dernière faveur: je pouvais, si je le désirais, aller me recueillir avant le grand saut dans la magnifique cathédrale de Maguelone, tout au bout d'une langue sableuse qu'ils m'obligèrent à parcourir à pieds sous un astre de plomb alors qu'un petit train touristique en assure la liaison avec le parking.
Mais je sautai sur l'occasion de gagner encore quelques minutes d'une vie qui me paraissait d'instant en instant plus précieuse et c'est d'un bon pas que j'entamai la vingtaine de minutes de marche jusqu'à l'édifice que nous devinions au loin derrière les roseaux et les flamands roses (Oui, ma conscience, je t'entends, je rectifie: derrière une belle paire de fesses bien prises dans un mini maillot et par delà le drapeau arc-en-ciel qui flottait sur une guérite où l'on vendait, sans doute, des boissons rafraîchissantes.) Las, quand nous arrivâmes tout près de l'édifice sacré, on nous apprit que nous ne pouvions aller plus loin: un concert s'y donnait et l'on ne pouvait en déranger l'exécution, même pour une si noble cause que ma dernière prière.
Tinours, qui semble avoir plus de religion que son compère Lancelot, ne dit mot mais je vis bien que cela le contrariait. Tuer d'accord mais avec l'âme en règle: on n'est pas des bêtes, bon sang de bois! Il fallut pourtant gagner la plage battue par le vent et assommée de soleil où, tout à mes (dernières) pensées, je ne remarquai qu'à peine quelques magnifiques spécimen de mâles nus se dorant sur le sable. Dans un ultime sursaut de conscience, je décidai d'immortaliser leur pose sur mon appareil photos, afin que les générations futures sachent sans conteste quel esthète j'avais été ma vie durant, aimant l'art et la beauté plus que moi-même!
Cette dimension de ma personnalité avait sans doute échappé jusque là à mes tortionnaires car, lorsqu'ils me virent me servir de leur corps pour mitrailler la plage sans en gêner les beaux occupants, ils ne furent plus les mêmes. On me ramena sur les lieux de ma séquestration sans chercher à se débarrasser de moi. On me prépara un barbecue fort agréable sur la terrasse ensoleillée et calme (elle le redevint en tout cas après qu'un des deux sicaires eut fait son œuvre dans la maison d'en face où s'égosillaient trois petites pestes au bord de leur piscine. Quand il repassa le portail, aucun bruit ne traversait plus le chemin. Je ne sais pas ce qu'il a fait des corps.)
L'après-midi, on me plongea dans la piscine, non pour m'y noyer comme il avait été initialement prévu, mais pour me détendre, pour me laver de toutes les frayeurs que l'on m'avait créées pendant les deux jours les plus longs de ma vie. A aucun moment je ne fis remarquer que l'eau en était un peu froide, qu'elle sentait le chlore et que le vent qui s'était levé me glaçait les épaules (elle n'est pas très profonde, cette piscine: un grand gabarit en aurait sans doute à peine jusqu'à la taille). Après tout, ce bain partait d'une bonne intention et on ne doit pas décourager les bonnes intentions.
Ils me ramenèrent à la gare, en me faisant promettre de ne rien révéler sur eux ni sur leur lieu d'habitation. Je promis bien vite, résolu, c'est sûr, à ne pas tenir ma promesse. A cette condition, on me rendait ma liberté. Mais la divine Providence ne devait pas être avec moi ce jour-là car j'eus à affronter une dernière cause de stress, comme si ce que j'avais vécu jusque là ne suffisait pas! En montant dans le train, je me rendis compte que mon billet n'était pas valable: le guichetier de Lyon, grand étourdi sans doute, avait imprimé un retour pour le 7 juillet au lieu du 7 juin.
Mon sang reflua de mon corps vers je ne sais quelle extrémité: un mois avec eux! NON! D'ailleurs, ils semblèrent partager mon avis et me parurent rassurés lorsque je décidai de monter tout de même dans la rame de TGV et que l'on verrait bien en route. J'étais près à affronter n'importe quel contrôleur, n'importe quel poseur clandestin de traverses métalliques, n'importe quel voisin malodorant et ronfleur, ou bien jacassant dans son téléphone portable comme si les dernières nouvelles de ses sécrétions nasales intéressaient la terre entière. Je voulais rentrer chez moi!
Pourtant, quand je vis disparaître au loin les remparts de Carcassonne.. Non, ça c'est une autre histoire, mise en musique par qui, d'ailleurs? Quand je vis l'ocre des chemins et des maisons et les clochers à chignon métallique faire peu à peu place à des végétations plus soutenues et à des demeures d'autre façon, j'eus, allez savoir pourquoi, comme un soupir. Le complexe de Stockholm, sans doute. Étrange comme on s'attache, même à ses bourreaux. Je revoyais les yeux doux de Tinours, j'entendais les échos des grands éclats de rire de Lancelot et il me vint là, sur ce siège usurpé de ce wagon de TGV, une envie folle, irraisonnée, irraisonnable: les revoir, repasser avec eux quelques heures souriantes, à Lyon ou à Montpellier.
Alors, mes deux compères, si vous me lisez (et je sais bien que oui), sachez combien (et là je redeviens sérieux) j'ai apprécié de vous rencontrer, combien je me suis senti immédiatement à l'aise avec vous, combien nous avons encore de choses à partager avec le sourire. Pardonnez ces horreurs dites sur votre compte: elles ne sont en rien méritées, vous êtes merveilleux.... Ben oui, je l'ai dit, pas la peine de me labourer les côtes avec ton flingue. (Je ne savais pas qu'ils avaient un complice sur Lyon). Aïe, aïe, aïe!
lundi 8 juin 2009
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7 commentaires:
Arf, je me doutais bien que le niveau de leur piscine m'arriverait aux genoux ^^ !
@ Kab-Aod : j'ai envie de te faire une citation en anglais que j'adore ici, elle me paraît tout à fait appropriée : "When he says 'frog', you all jump around here..." En d'autres termes, bien sûr, ce clin d'oeil de la part de Calyste t'était adressé à toi... car en nous baignant nous avons parlé de toi... nous aussi !
Calyste aime "l'art et la beauté plus que lui-même" (à propos des jeunes éphèbes pris en photo...): de l'art, de l'art... En l'occurrence, on sait pas trop si c'est de l'art ou du cochon, enfin passons....
A bien y réfléchir, l'épisode de l'erreur sur le billet de train est en effet curieuse : n'aurais-tu pas toi-même demandé (par inadvertance) au guichtier de Lyon un billet de retour pour le 7 juillet ? En psychologie, il n'y a pas de hasard, il n'y a que des mobiles inconscients, c'est bien connu...
Si le coeur t'en disait, pourquoi pas.... Ta conclusion était inutile : nous nous sommes sentis à l'aise tout autant que toi, et bien sûr nous comptons te revoir bientôt, ici ou à Lyon, ou même ailleurs, comme tu l'avais suggéré, si tes fameuses réunions pédagogiques (la barbe...) t'en laissent le temps. D'ici là, on garde nos flingues au chaud pour toi !
Robizous
Ces Cathares ont bien préparé leur coup. Si vous tentez de les capturer entre Saône et Rhône en guise de représailles, je me propose d'apporter une aide logistique.
en tout cas j'ai ri de bon coeur.
bises
jmarc
Alors, à bientôt, les tontons flingueurs!
Quant à ton aide logistique, -U-, je l'accepte volontiers. Étant quasi voisins, nous ne devrions pas avoir beaucoup de peine à nous organiser. Prenons RV!
Sain et sauf, mais jusqu'à quand ? Attention aux représailles...
Ils ne m'auront pas vivant, ils ne m'auront pas vivant!
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