mardi 17 mars 2015

Propos d'un vieux réac.

Hier, c'était la Journée de la Langue Française. Le matin, sur France Inter, une émission depuis l'Académie Française, première du genre depuis la création de cette auguste institution. Le soir, sur Arte, le 28 minutes y était également consacré et nous a valu le numéro habituel de Fabrice Luchini, cirque qui m'amusait au début et qui, maintenant, m'exaspère.

Mais quoi, cela sentirait-il le roussi pour notre langue, au point d'y consacrer une journée comme à la femme, la paix, les voisins ou la gentillesse ? Selon les intervenants, pas du tout. L'un d'eux a même prétendu (je crois qu'il s'agit d'Erik Orsenna) qu'elle n'avait jamais été aussi vigoureuse et vivante depuis la Renaissance.

A voir. Ce n'est pas parce que le Dictionnaire de l'Académie accepte chaque année de nouveaux mots (comme selfie par exemple, que j'exècre) que la langue se porte bien. J'ai en tête de douloureux souvenirs de rédactions d'élèves qui n'ont jamais compris qu'entre l'écrit et l'oral, il y avait un gouffre. Que dire également du pourcentage de plus en plus important d'enfants qui, entrant en sixième, ne maîtrisent que très mal la lecture et l'écriture (sans parler de l'orthographe) ?

Mais l'Académie n'accepte toujours pas officiellement la féminisation d'un certain nombre de métiers. Personnellement, cela ne me gêne pas trop, sauf si le mot féminin créé est trop laid (comme "écrivaine" par exemple) ou s'il va à l'encontre de l'usage établi : que penser de "auteure" qui va bigrement compliquer la vie des élèves puisque on leur a toujours appris qu'un mot en -teur au masculin faisait -teuse ou -trice au féminin ? Pourquoi ne pas dire "auteuse", pour moi trop proche de "honteuse", ou "autrice" que je préfère ?

Orsenna, toujours lui, a prétendu que l'on pouvait considérer que, dans le cas de professeur par exemple, il s'agissait d'un neutre, comme il en existe en latin ou en allemand. C'est ce que j'appelle botter en touche, monsieur l'Immortel.

Malheureusement, tous les mots français ne sont pas épicènes, ce qui faciliterait grandement la tache. Qu'est-ce qu'un mot épicène ? Je vais faire mon cuistre : c'est un mot indifférencié "sexuellement", semblable au masculin et au féminin, comme enfant, adulte, agréable et tant d'autres.

D'autre part, selon un journaliste du Point, le (la ?) ministre de l’Éducation nationale a décidé, pour l'occasion, de mettre en vedette pour cette journée les dix mots suivants : amalgame, bravo, cibler, grigri, inuit, kermesse, kitsch, sérendipité, wiki et zénitude, tous des apports de langues étrangères (arabe, italien, flamand, hawaïen, etc.). Pourquoi pas, mais pourquoi aucun mot d'origine latine, alors que 90% de notre vocabulaire vient de cette langue ancienne ? Et pourquoi inciter les élèves à les employer dans des textes alors que :
- je doute d'un collégien actuel sache le sens de sérendipité (mot apparemment très à la mode en ce moment), comme d'ailleurs celui de kermesse, plutôt vieillot, non ?
- a-ton besoin de mettre en vedette "bravo", mot d'une banalité totale aujourd'hui (comme d'ailleurs "cibler"). Ou alors pourquoi ne pas en profiter pour lui rendre son féminin : brava ?
- je ne vois pas l'intérêt de wiki.
- seuls m'inspireraient, si j'étais élève, amalgame, grigri et inuit.
- quant à zénitude, j'en suis loin quand je vois un tel amas de conneries... Deviendrais-je réac ?

7 commentaires:

Cornus a dit…

Comme mes dictionnaires, je ne connaissais pas "sérendipité".
L'idée du neutre ou de l'invariable en genre pour les noms de métier n'est pas idiote, mais certains féministe ne vont pas aimer. Je trouve qu'il y a mieux à faire pour l'égalité réelle des femmes par rapport aux hommes que ces combats stériles. Mais bon...
Quant aux marottes des ministres de l'éducation nationale, là aussi, il (elle) ferai(en)t mieux de trouver des vraies solutions à un système sclérosé incapable de se réformer convenablement.

CHROUM-BADABAN a dit…

Je ne connais pas bien la langue française, mais il me semble que le neutre n'existe pas en français.
Pourtant une philosophe (féministe !) m'affirmait récemment que dans le terme "droit de l'homme" homme est employé dans un sens neutre incluant les hommes et les femmes...
A part ça je suis cent pour cent d'accord à tout point de vue avec le commentaire de Cornus !

CHROUM-BADABAN a dit…

Ce matin une copine linguiste me parle du terme hyperonymie.
L’hyperonymie est la relation sémantique hiérarchique d'une unité lexicale à une autre selon laquelle l'extension du premier terme, plus général, englobe l'extension du second, plus spécifique. Le premier terme est dit hyperonyme de l'autre, ou superordonné par rapport à l'autre. C'est le contraire de l'hyponymie.

Un hyperonyme est une catégorie générale regroupant des sous-catégories. Les pédagogues emploient la périphrase « mots-étiquettes ». "Homme" dans droit de l'homme serait l'hyperonyme d'hommes et femmes...

Calyste a dit…

Cornus : mais alors, il faudrait créer des mots neutres différents du masculin.

Chroum : on peut sans doute considérer que ça, quelque chose ou il(dans il pleut) sont neutres. Quant à l'hyperonyme, je doute qu'il satisfasse ces dames...

karagar a dit…

En tout cas, les propos des défenseurs hexagonaux de la langue française, et les émissions d'Inter en furent une preuve supplémentaire, brillent rarement pas leur intelligence et leur sérieux.

plumequivole a dit…

Qu'on me dégotte fissa des féminins pour les dentistes féroces, les aquarellistes célèbres, les pilotes irresponsables, les politologues indigestes, les juges injustes...!
Et puis tiens dans la foulée je veux bien un masculin pour : féministes exécrables...:)

Calyste a dit…

Karagar : assez d'accord avec toi. Les vrais défenseurs ne se trouvent peut-être plus dans l'hexagone.

Plume : "un masculin pour féministes exécrables" ! Mais il existe : machos de merde !