dimanche 7 septembre 2014

Fiction (2)



Pour éviter trop de circulation, j’étais parti un dimanche sans penser à emmener quelques provisions pour le soir. Je suis toujours parti ainsi, sur un coup de tête. A midi, j’avais grignoté sur l’autoroute, sans m’attarder mais en remarquant que c’était le même restaurant où nous avions mangé deux ans plus tôt, en partant à Turin ou à Milan, je ne sais plus. Un plat de pâtes à la tomate que je recouvris de parmesan laissé à volonté. 

Avant de ranger mes vêtements dans le placard coulissant, je repris la route de Lucca, à une vingtaine de kilomètres, pensant y trouver une épicerie ouverte. A mon arrivée, je n’avais pas prêté vraiment attention au paysage, trop occupé à repérer les indices, panneaux routiers, giratoires, maisons aux façades colorées, que m’avait fournis Valeria, la logeuse, pour m’aider à me repérer. Seuls les nombreux virages et l’aspect boisé de la région m’avaient frappé. Maintenant, je pouvais tout à loisir observer ce qui m’entourait. 

A l‘intersection de la route qui menait au gîte et d’une autre, à peine plus importante, je remarquai un restaurant où je me promis de me rendre, un soir où je n’aurais pas envie de me préparer un repas. Il semblait assez cossu malgré sa situation isolée et son nom me plaisait : il Molin della lupa, le Moulin de la louve. Après tout, Rome n’était pas si loin. Ou tout bêtement tirait-il son nom d’un fait divers de la contrée : ces bois devaient autrefois abriter des meutes et une louve moins prestigieuse que celle du Palatin avait bien pu s’y rendre célèbre. Après le restaurant, la route présentait la seule ligne droite de la région mais où il était impossible de faire une pointe de vitesse tant la couverture en était abîmée et évoquait les pistes en latérite que j’avais empruntées dans la brousse togolaise lors de l’un de mes lointains voyages.

J’étais frappé par la verdure de la végétation cette année-là. La Toscane, en août, offre d’ordinaire un aspect plus sec et jauni où seules ressortent les silhouettes sombres des cyprès. Valeria me confirma, quelques jours plus tard, quand je fis sa connaissance à son retour d’Autriche, qu’il avait beaucoup plu jusqu’à peu avant mon arrivée. D’ailleurs, ces paysages montagneux et sauvages m’évoquaient davantage l’Ombrie que la Toscane des cartes postales.

Au bout de la ligne droite, à gauche de la route, il y avait un village, quelques maisons sans style particulier qui s’entassaient au pied d’un campanile roman d’une taille surprenante pour un si petit bourg. De tout mon séjour, je ne pus jamais me mettre en tête le nom de cette localité. Après le campanile, la route faisait un coude presque à angle droit pour passer sur un ancien pont de brique où deux voitures ne pouvaient se croiser, et rejoignait la nationale.

A Lucca, je fis le tour des remparts sans trouver une seule boutique ouverte. Alors que je m’apprêtais à renoncer, je repérai un bar dans une rue étroite. J’avais bien le temps de prendre un verre. Devant la porte, un banc de bois et, sur le banc, ce que je pris d’abord pour un client déjà bien éméché : un petit homme encore jeune qui fumait tranquillement après, sans doute, avoir ingurgité quelques bières. Le bar était vide, un de ces bars vieillots au décor démodé de tables en formica et de chaises au revêtement de skaï.  Mais il était propre et bien tenu et vendait aussi quelques paquets de chips, ce qui faisait bien mon affaire, faute de mieux.

5 commentaires:

plumequivole a dit…

Entends-tu les lecteurs qui halètent en se demandant : mais que va t-il donc se passer ? Z'arrivent quand les Hollandais ?

Cornus a dit…

Pour l'instant, la chose est presque fidèle. Mais cela ne peut pas durer.
Mais je me demande pourquoi Karagar et Plume fantasment à ce point sur les Zollandais.

plumequivole a dit…

Cornus > Parce que j'ai eu jadis des aventures en Hollande (j'ai dit DES aventures pas UNE aventure :) )

karagar a dit…

Beaucoup aimé la description de l'itinéraire, l'évocation des loups, des paysage quasi ombriens m'a ravivé ma proche mémoire...

Calyste a dit…

Plume : Ah, c'est toi qui fait tout ce bruit ! Les hollandais ? Bientôt, sans doute...

Cornus : effectivement, ça ne peut pas durer. Mais comme je ne sais absolument pas où je vais....

Karagar : toute cette description n'est pas de la fiction et correspond bien à ce que j'ai vu et ressenti. Il va falloir que je me lâche!