Dans le salon, rien d’anormal. Tout l’étage était dans l’état
où je l’avais laissé. Ce n’est qu’en bas, dans la chambre, que quelque chose
clochait : une porte du placard mural était entrebâillée et, juste devant,
le couvre-lit était légèrement froissé, comme si quelqu’un s’y était assis un
instant. Quelqu'un de distrait n’y aurait pas prêté attention mais je suis
maniaque : je ne supporte pas de laisser les placards ouverts et j’aime
que le lit soit fait au carré. Pour moi, cela augmente le plaisir de l’ouvrir
au moment de me coucher.
Mes affaires personnelles, chemises, vestes, pantalons
pendaient toujours impeccablement aux cintres et la pile de mes t-shirts et de
mes sous-vêtements n’avait pas été dérangée. Ma valise, qui ne contenait que peu
de choses, les prises pour recharger mon téléphone et mon appareil-photos, le
roman d’Ogawa et des sacs plastique pour enfourner le linge sale, n’avait pas
bougé de la table basse au pied du lit. En revanche, le livre que je déposais
sur la tablette en éteignant, était à l’envers, la quatrième de couverture
apparente et non le côté de l’illustration et du titre. Et il me semblait
percevoir dans l’atmosphère de la chambre la trace légère d'un parfum qui n’était
pas le mien. Peut-être me faisais-je des idées sur ce dernier point mais j’étais
sûr d’une chose : on avait fouillé ma chambre.
Je vérifiai que rien n’avait disparu, en particulier une somme
d’argent liquide dans laquelle je puisais chaque matin pour les besoins de la
journée et qui servirait aussi à finir de payer la location du gîte. Tout était
là, mes clés de Lyon aussi et les photocopies de mails que m’avait envoyés Valeria.
Un voleur aurait certainement fait main basse sur l’argent et probablement sur
la deuxième montre que j’emportais toujours avec moi au cas où la pile de la
première décide de rendre l’âme. Alors, qu’était-on venu chercher dans ma chambre
et surtout qui y avait pénétré ? Un cambrioleur aurait laissé plus de désordre
en essayant de trouver quelque chose susceptible de l’intéresser.
Les hollandais étaient chez eux. Malheureusement, ils s’étaient
absentés eux aussi toute la journée ou presque, une longue promenade dans les
bois environnants, et ne purent me renseigner. Ils me conseillèrent de prévenir
la police mais que dirais-je ? Absolument rien n’avait été dérobé et si je
mentionnais la clé retrouvée dans un autre pot, la porte du placard et le
couvre-lit avec empreinte fessière, ils me riraient sans doute au nez. Dorée et
Tom firent rapidement le tour de leur propre étage et ne constatèrent rien d’anormal.
La personne à prévenir était plutôt Valeria mais elle ne rentrait d’Autriche que
le lendemain et passerait le soir pour faire ma connaissance et empocher le
reste du loyer. Il me fallait attendre son retour.
La découverte de cette intrusion m’avait d’abord inquiété
mais maintenant, c’était de la colère que je ressentais, en même temps qu’une
désagréable impression de viol de mon intimité. Je n’avais rien à cacher mais
je ne supportais pas l’idée qu’un étranger ait pu toucher mes affaires. Sans
compter qu’au moment de me coucher, il me faudrait prendre un certain nombre de
mesures pour éviter une nouvelle
tentative, nocturne celle-là.
Tom et Dorée, qui avaient perçu mon inquiétude et la ressentaient pour eux-mêmes, m’invitèrent à partager leur repas. J’acceptai
volontiers et nous nous installâmes sur leur terrasse où, sans apéritif puisqu’ils
ne buvaient jamais d’alcool, je goûtai aux plats de Dorée. La cuisine italienne
façon hollandaise n’est pas ce qu’il y a de mieux mais la conversation dévia
bientôt sur d’autres sujets que l’intrusion et eut l’avantage de me la faire
oublier le temps d’un dîner. Ce n’est qu’en rentrant, un peu plus tard, que les
questions que je me posais revinrent m’assaillir.
3 commentaires:
Tu me remets en mémoire des histoires de fou (au sens premier de l'expression) qui étaient arrivées à un ancien collègue qui m'avait raconté que quelqu'un était rentré chez lui et que venant de repeindre une pièce, on était rentré chez lui sans effraction et qu'on avait laissé une trace que le mur repeint, une trace qu'on ne voyait pas mais que lui avait vue. La police était venue chez lui et j'en passe et des pires qui sont à peine racontables. A l'époque, j'avais dû me retenir de ne pas éclater de rire, mais lui, il ne se marrait pas. Désolé pour ce commentaire, mais je comprends néanmoins le malaise si une telle chose arrivait pour de vrai.
IL ne vient pas à l'idée du héros que les hollandais puissent mentir?
Cornus : visiblement, cette histoire t'a laissé des traces !
Karagar : mentent-ils ?
Enregistrer un commentaire