J’eus un peu de mal à émerger le matin. J’avais sans doute
rêvé mais je ne savais pas de quoi, ni de qui. L’impression de malaise
ressentie avant de m’endormir persistait au réveil et il me fallut plusieurs
cafés pour me sentir capable de prendre la route. Tom était déjà debout et me
lança un tonitruant « hello » depuis sa fenêtre où, torse nu, il
profitait du soleil en buvant un verre de lait.
Tout en lui rendant son bonjour, ce à quoi se résuma notre
conversation car Dorée l’appelait déjà de l’intérieur, je pus vérifier que
l’impression de force qui se dégageait de lui habillé n’était pas fausse. Avoir
un torse pareil et de tels pectoraux devait demander une pratique intensive du
sport et de la musculation. Mais son visage restait celui de l’enfant qu’il
avait été et le fait qu’il venait lui aussi de se réveiller accentuait sur ces
traits cette juvénilité attardée.
Le GPS de ma voiture m’indiqua, depuis Lucca, une route que
je n’avais jamais empruntée. Je traversai plusieurs villages sans intérêt
notoire et dont l’alignement rectiligne des maisons n’incitait pas à la contemplation.
Deux fois, il me fallut attendre un temps infini que les barrières de passages
à niveau consentent à se relever. Au second, un couple de cyclistes tenta la
traversée alors que le train, qu’ils n’avaient pas vu à cause d’une
courbe, arrivait. C’est le sifflement
rageur de la locomotive qui les fit stopper à la dernière seconde. Eux se
contentèrent d’en rire, bêtement.
Sienne est une ville en deux parties séparées par un profond
vallon, urbanisé lui aussi, qui relie le quartier du Dôme et de la Piazza del
Campo d’un côté à celui de l’église San Domenico de l’autre. Contrairement à
toutes les autres fois où j’étais venu dans cette ville, c’est par ce dernier
côté que j’arrivai. Tout près de l’église, un panneau m’indiqua un parking
payant qui n’était autre que le dessous des gradins d’une aire sportive. Endroit sinistre et
tortueux où je finis par me garer en priant pour retrouver ma voiture intacte
en fin de journée.
Après la visite de San Domenico où Sainte Catherine connut
ses extases et qui en montre à la fois le seul portrait et la tête conservée
dans un tabernacle, je m’apprêtai à franchir le vallon pour remonter vers la
partie de la ville qui m’intéressait davantage quand une bride de ma sandalette
cassa net. Impossible d’aller plus loin sans risquer la chute : je perdais
ma chaussure à chaque pas. Je m’assis à la terrasse d’un restaurant où, pendant
le repas, le serveur m’indiqua où trouver un magasin pour en acheter une
nouvelle paire.
Enfin, je me retrouvais en terrain connu. Bientôt, je pus
revoir la place en forme de coquille où se déroule la course du Palio, le
Palazzo Publico dominé par son impressionnante Torre del Mangia et, surplombant la
vieille ville, le Dôme : Santa Maria Assunta dont j’aime tant le pavement.
Mais je ne visitai rien : le bonheur de vagabonder dans ces ruelles
étroites où, malgré l’affluence des touristes, on percevait la beauté de
l’architecture et l’ancienne richesse de la ville gibeline me suffisait. En
passant devant la Pinacothèque, je me souvins de l’émerveillement du jeune
homme que j’étais trente ans plus tôt lorsqu’il avait découvert les splendeurs
de la peinture religieuse qu’elle renferme.
Et puis j’avais l’intention de me rendre ensuite à San
Galgano, une abbaye en ruines non loin de là, où avait été tournée la dernière
scène du Repos du guerrier, le film de Roger Vadim dont la musique de Michel Magne
me trottait encore dans la tête.
4 commentaires:
Je n'ai jamais eu de défaillance de sandalettes, notamment parce que je n'en porte plus depuis que je ne suis plus gamin car j'ai horreur de ça. Ce qui m'est arrivé en revanche, c'est d'avoir mal aux pieds alors que je ne m'étais pas rendu compte de l'amincissement de mes semelles au point de "marcher sur la France".
L'art de faire (im)patienter le lecteur avide !
Plume> Oui, mais on y découvre aussi que le narrateur n'est pas insensible aux zollandais mâles !
Cornus : Belle expression pour quelque chose qui ressemble à une torture !
Plume : exactement !
Karagar : oh ! la vilaine pensée !
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